Sujet particulièrement sensible, le handicap congénital est-il un préjudice réparable ? A première vue la réponse qui vient à l'esprit est négative mais la tendance constante de la jurisprudence à favoriser l'indemnisation de la victime d'un dommage peut conduire à des solutions parfois discutables comme le démontre cet arrêt rendu par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation le 26 mars 1996.
En l'espèce, une femme est pendant sa grossesse soupçonnée d'avoir contracté la rubéole. Son médecin lui prescrit un test afin de vérifier la présence ou non d'anticorps mais ce test révèle à tort que la future mère est immunisée contre cette maladie.
Quelques mois plus tard elle accouche d'un garçon atteint de troubles neurologiques et de séquelles qui se révéleront être causées par la rubéole contractée pendant la vie utérine.
La mère de l'enfant saisit la Cour d'appel de Paris afin de demander réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de la faute du laboratoire et demande également réparation au nom de son fils du préjudice qu'il a subi.
La juridiction du second degré accueille favorablement la demande de la mère concernant son propre préjudice mais la déboute en ce qui concerne la réparation du préjudice de son fils car elle estime que celui-ci n'a pas pour origine la faute du laboratoire et le manquement du praticien.
Les époux décident de se pourvoir en cassation afin de demander l'annulation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel.
Une fois saisie, la Cour de cassation doit se poser la question suivante à savoir si le préjudice de handicap subi par l'enfant depuis sa naissance peut être réparé en raison de la faute commise par le laboratoire et le praticien dans le diagnostic de la rubéole.
Contre toute attente, la Cour de cassation répond par l'affirmative et casse l'arrêt rendu le 17 décembre 1993 par la Cour d'appel de Paris. La haute juridiction considère en effet que les fautes commises avaient induit les parents en erreur alors que ceux-ci avaient marqué leur volonté d'avoir recours à l'interruption de grossesse en cas de rubéole et qu'elles ont par conséquent entrainé le dommage subi par l'enfant.
La plus haute juridiction judiciaire va encore plus loin dans sa conception déjà très libérale du préjudice réparable se démarquant ainsi du Conseil d'Etat qui se gardera bien quelques mois plus tard d'adopter une telle solution à travers l'arrêt Quarez du 14 février 1997 (...)
[...] II) UNE SOLUTION GUIDEE PAR L'OPPORTUNISME Cette solution rendue par la 1ère chambre civile le 26 mars 1996 semble guidée par l'opportunisme. Se pose toutefois la question de savoir si un préjudice tel que celui ci remplit la condition de légitimité traditionnellement retenue par la Cour de cassation(A) qui confirmera néanmoins sa solution par plusieurs arrêts postérieurs A. La question de la légitimité du préjudice La solution rendue dans cet arrêt pose plus largement le problème du préjudice et tout particulièrement celui de sa légitimité. [...]
[...] Contre toute attente, la Cour de cassation répond par l'affirmative et casse l'arrêt rendu le 17 décembre 1993 par la Cour d'appel de Paris. La haute juridiction considère en effet que les fautes commises avaient induit les parents en erreur alors que ceux ci avaient marqué leur volonté d'avoir recours à l'interruption de grossesse en cas de rubéole et qu'elles ont par conséquent entrainé le dommage subi par l'enfant. La plus haute juridiction judiciaire va encore plus loin dans sa conception déjà très libérale du préjudice réparable se démarquant ainsi du Conseil d'Etat qui se gardera bien quelques mois plus tard d'adopter une telle solution à travers l'arrêt Quarez du 14 février 1997. [...]
[...] Un malaise est néanmoins palpable dans le fait que la demande soit portée par la mère de l'enfant, ce qui pose la question non moins délicate de la subjectivité du dommage. Comment en effet savoir ce que l'enfant ressent réellement et si lui même aurait préféré ne pas naitre? Hormis cette considération dont il est n'est pas aisé de répondre ici,se pose également la question de la nature du préjudice dont est demandée la réparation. S'agit il du préjudice de handicap dont il faut en déduire un préjudice corporel ou s'agit il du préjudice de naissance auquel titre il faudrait l'assimiler à un préjudice d'agrément, celui de vivre handicapé. [...]
[...] Commentaire d'arrêt- Civ mars 1996 Sujet particulièrement sensible, le handicap congénital est il un préjudice réparable? A première vue la réponse qui vient à l'esprit est négative mais la tendance constante de la jurisprudence à favoriser l'indemnisation de la victime d'un dommage peut conduire à des solutions parfois discutables comme le démontre cet arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 26 mars 1996. En l'espèce,une femme est pendant sa grossesse soupçonnée d'avoir contracté la rubéole. [...]
[...] Le seul lien de causalité qui puisse être ici raisonnablement retenu est donc celui entre les fautes concurrentes du laboratoire et du praticien et la naissance. Néanmoins, dans cette affaire la faute est contractuelle ce que rappelle la Cour de cassation dans son visa en se référant à l'article 1147 du Code Civil et la retenir alors que le lien de causalité n'est pas établi peut susciter des réserves notamment en vue d'une réparation du dommage en vertu de la responsabilité extracontractuelle. [...]
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