Selon H. Steinauer, « en droit privé, une chose est une portion délimitée et impersonnelle de l'univers matériel, qui est susceptible d'une maîtrise humaine ». La chose doit être un objet matériel et doit être susceptible d'être approprié. Le respect dû aux morts est un principe fondamental. Ainsi comment se concilient le droit civil et le droit pénal pour respecter le principe fondamental résultant du respect dû aux morts ?
Dans l'arrêt du 25 octobre 2000, arrêt de principe, les juges vont se pencher sur la notion d'appropriation d'une chose. En l'espèce, des fossoyeurs de la ville de Montpellier étaient chargés dans le cadre de leurs fonctions publiques, de déblayer à la pelleteuse les terrains communs où se trouvaient des emplacements en fin de concession et des fosses communes afin de libérer ces emplacements. En allant plus loin que leurs missions de service public, ils décidèrent de récupérer des bijoux et des dents en or en les extirpant des débris. De plus, ils avaient pour habitude la veille de l'opération et dépassant leurs fonctions, d'éventrer les cercueils et récupérer des bijoux ou des dents en or pour les conserver à titre personnel.
La Cour d'Appel de Montpellier a été saisie de cette affaire et a du se prononcer sur la nature des objets en question ainsi que les sanctions que les fossoyeurs encourraient.
Les fossoyeurs prétendaient que les choses sur lequel se porte le litige avaient été volontairement abandonnées (res derelictae) et que le propriétaire ne pouvait être le cadavre car celui-ci n'était plus une personne. Ils argumentent aussi sur le fait que leurs fonctions étant de libérer des emplacements, les objets et les ossements trouvés étaient destinés à être détruits donc il ne pouvait pas s'agir d'un vol. La Cour d'Appel rejette cette argumentation préconisant le respect dû aux morts, elle tente alors d'affirmer que les objets en question ne sont pas des res derelictae et conçoit très largement qu'il existerait une véritable propriété post mortem ou bien que les objets appartiendraient à la famille (...)
[...] Le vol étant constitué, il faut en étudier les sanctions, par conséquent, la législation pénale se substitue à la législation civile pour analyser les différentes incriminations auxquelles sont soumis les prévenus. II- Une double incrimination sur la violation du principe du respect dû aux morts Le Code Pénal sanctionne les atteintes au respect dû aux morts. En l'espèce, les prévenus sont incriminés pour atteinte à l'intégrité du cadavre et pour violation de sépulture. De ces deux incriminations, on analysera les différentes composantes que constitue une infraction. [...]
[...] En l'espèce il est question non de personnes mais de défunts donc cette considération, ici, semble se rattacher à la théorie de l'infraction impossible. La Cour d'Appel évoque donc l'idée, pour retenir un tel chef d'accusation, que les fossoyeurs avaient exercé sur les dépouilles mortelles une certaine violence ayant eue pour effet d'entrainer une lésion ou une altération de l'intégrité du cadavre. En effet, après avoir ouvert les cercueils, pour prendre possession des biens (bijoux et autres objets de valeur), les fossoyeurs avaient du modifier l'état originel des dépouilles mortelles. [...]
[...] Cette enquête, complémentaire aux arguments engagés par la Cour de Cassation, montre que le fait de briser ainsi des cercueils était constitutif de violation de sépulture. Dans la mesure où les prévenus ne pouvaient guère contester la matérialité des infractions reprochées, l'essentiel de leur pourvoi était fondé sur l'absence d'élément moral. Un acte intentionnel exigé En l'espèce, c'est sur cette condition que les prévenus reprochaient à la Cour d'Appel de ne pas avoir indiqué que les actes matériels précités impliquaient une intention délictueuse. [...]
[...] La Cour d'Appel déclare également dans la suite de son raisonnement, que les objets qui ne peuvent être considérés comme abandonnés sont dès lors toujours susceptibles d'être l'objet d'une soustraction frauduleuse au détriment des défunts, de leurs proches ou du domaine public ce qui parait contradictoire avec ce qui a été dit précédemment. Cette volonté d'affectation pourrait donc entrainer que ces objets appartiennent à un tiers et que, par conséquent, le vol est envisageable. Dans un arrêt du 12 Octobre 1942, similaire à notre espèce, le juge pénal a su procéder à une parfaite appréciation de la volonté des proches. Il avait considéré qu'en aucun cas l'abandon pouvait être envisagé dès lors que les objets avaient reçu une affectation. [...]
[...] Les fossoyeurs formèrent alors un pourvoi en cassation, en soutenant que la Cour d'Appel n'avait pas caractérisé leur intention de porter atteinte au respect dû aux morts. La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, ne réfutant pas la condamnation pour violation de sépulture et pour atteinte à l'intégrité des cadavres, ajoute un complément sur l'élément intentionnel en affirmant que cette intention réside dans l'accomplissement volontaire d'un acte portant directement atteinte au respect dû aux morts Si la Chambre Criminelle va dans le même sens que la Cour d'Appel, elle va tout de même casser la décision rendue par cette dernière en renonçant à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une fonction publique. [...]
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