La responsabilité civile suppose, pour obtenir réparation, de remplir trois conditions : un dommage, un fait générateur de responsabilité, et un lien de causalité. L'arrêt du 24 septembre 2009 de la 1ère Chambre civile se penche sur la charge de la preuve concernant le lien de causalité, dans une affaire médicale.
Une femme a été exposée, durant la grossesse de sa mère, à une hormone synthétique dénommée diéthylstilbestrol (DES), prescrite à une certaine époque aux femmes enceintes pour prévenir des risques de fausse couche, et fabriquée par les sociétés « UCB Pharma » et « Novartis santé familiale ». Elle est désormais atteinte d'un cancer du col de l'utérus qu'elle impute à la prise in utero de cette hormone.
Elle assigne donc, avec son mari, les deux laboratoires en justice afin d'obtenir la réparation de leurs préjudices. La Cour d'Appel de Versailles, le 10 avril 2008, rend un arrêt qui déboute les époux de leurs demandes : la mise sur le marché de cette molécule par les deux laboratoires ne peut être le fondement d'une action collective, ce fait n'étant pas en relation directe avec le dommage subi. Elle reconnaît cependant que l'exposition in utero de la victime à la molécule est la cause directe de la pathologie tumorale. Mais les demandeurs n'ont pas rapporté la preuve que le produit à l'origine du dommage a été fabriqué par l'un ou l'autre des laboratoires. Les époux se pourvoient alors en cassation (...)
[...] Dans l'arrêt du 24 septembre 2009, la Cour de cassation se place seulement sur le terrain délictuel des articles 1382 et suivants. L'apport est purement technique et consiste à inverser la charge de la preuve, ce qui ouvre bien plus facilement droit à réparation pour les victimes. Cet arrêt étonne également par le fait que les laboratoires mis en cause se retrouvent obligés à fournir une preuve négative (et tout autant difficile vu l'ancienneté des faits) pour ne pas être condamnés à une réparation in solidum (comme s'il s'agissait d'un dommage causé en groupe). [...]
[...] Ainsi, son pourvoi est rejeté : il n'a pas été établi que le DES était la seule cause possible de la tumeur dont elle souffre. En conséquence, même si l'arrêt analysé est un véritable motif d'espoir pour les victimes du DES et d'établissements de santé en général, l'établissement du lien de causalité n'est que facilité, pas facultatif. L'inversion de la charge de la preuve ne se produira que si une véritable présomption de causalité est retenue, qu'aucune autre cause ne peut être dégagée. [...]
[...] Un principe général en matière de charge de la preuve souffrant d'exceptions : L'article 1382 pose le principe de base de la responsabilité délictuelle : Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer Mais pour obtenir réparation sur le fondement de cette responsabilité civile délictuelle, il faut remplir trois conditions : l'existence d'un dommage, d'un fait générateur de responsabilité, et enfin d'un lien entre les deux, appelé lien de causalité C'est ce dernier qui nous intéresse ici : sa démonstration est indispensable. Et le principe veut qu'il incombe au demandeur (la victime) d'apporter la preuve de ce lien entre le fait générateur qu'elle impute au défendeur et son dommage (ce lien doit être direct et certain). La Cour de cassation n'hésite pas à considérer ce lien de causalité comme une question de droit sur laquelle elle peut exercer un contrôle. Par ailleurs, l'autre grand principe affirme que le doute bénéficie toujours au défendeur. [...]
[...] Ainsi, la 1ère Chambre civile rend un arrêt le 24 septembre 2009 qui casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Versailles. Selon elle, à partir du moment où les juges du fond ont admis le lien entre l'exposition au DES de la victime et la tumeur, il appartenait ensuite à chacun des laboratoires de prouver que ce n'est pas son produit qui est à l'origine du dommage. La Cour d'Appel a donc violé les articles 1382 et 1315 du Code civil. [...]
[...] Le recours à la présomption pour dédouaner le demandeur de la charge de la preuve s'était déjà produit en matière de responsabilité civile du fait des produits défectueux, dans un arrêt rendu par la 1ère Chambre civile le 25 juin 2009. En effet, un enfant avait développé une épilepsie sévère après la troisième injection d'un vaccin. Cependant, la Cour d'Appel avait débouté ses parents de leurs demandes, retenant que le lien de causalité entre l'injection et la maladie n'était pas certain. [...]
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