Le droit moral de l'artiste interprète a pour but de protéger la réputation artistique de ce dernier, en lui assurant le respect de son nom, de sa qualité, ou en lui permettant de ne divulguer que les prestations dont il est satisfait. Ce droit ne peut donc en principe être confondu avec le droit moral de l'auteur, en ce sens, qu'il est attaché à la prestation de l'artiste et non pas à l'oeuvre interprétée.
Dans un arrêt de rejet rendu le 24 septembre 2009 sur l'affaire Henri Salvador, la Première chambre civile de la Cour de cassation sanctionne au visa des articles L121-1 et L212-2 du Code de la propriété intellectuelle à la fois la dénaturation de l'interprétation et la dépréciation de l'oeuvre qui caractérisent l'atteinte au droit moral.
Les circonstances de l'espèce étaient les suivantes.
Des chansons enregistrées par le célèbre artiste entre 1948 et 1952 avaient servi à réaliser une compilation proposée au prix d'un euro dans des magasins de la grande distribution par la société Jacky Boy. Afin de s'opposer à ces agissements, le chanteur invoquait son droit moral, à la fois en tant qu'auteur, et en tant qu'artiste-interprète. Il mettait en avant la qualité très médiocre des enregistrements, due à leur ancienneté, et le contexte dans lequel la compilation était vendue, éléments qui, selon lui, portaient atteinte au respect de ses oeuvres et de ses interprétations. Par ailleurs, il considérait que la reproduction de sa photographie sur la jaquette du disque violait son droit à l'image puisqu'il n'en avait pas donné l'autorisation.
La cour d'appel de Paris lui a donné gain de cause dans une décision du 14 novembre 2007. Au décès du chanteur, l'instance a été reprise par sa veuve.
La société défenderesse a exercé un pourvoi en cassation sur plusieurs moyens. Elle contestait l'atteinte au droit moral pour plusieurs raisons (...)
[...] S'agissant de la première, elle retient comme seul critère la qualité médiocre des enregistrements, tandis que, sur le terrain du droit d'auteur, elle prend également en compte le faible prix de la compilation et son utilisation en tant que produit de promotion de la grande distribution. La Cour de cassation condamne ainsi la commercialisation de la compilation vendue au prix dérisoire d'un euro comme portant atteinte à la considération de l'auteur et à son droit moral. Les juges recourent à la valeur financière de l'œuvre pour caractériser l'atteinte au droit moral. Il faut comprendre que si le prix correspond à une promotion, il porte atteinte au droit moral de l'auteur. [...]
[...] 212-2 du code de la propriété intellectuelle. Or, l'imprescriptibilité signifie simplement qu'un droit ne saurait s'acquérir par l'écoulement du temps, d'une part, et qu'il ne se perd pas par le non usage, d'autre part. Elle ne renseigne donc pas exactement sur sa durée. Le seul apport de l'arrêt dans ce registre est en réalité négatif. En admettant la protection des attributs moraux de l'artiste après l'expiration de ses attributs patrimoniaux, la Cour repousse implicitement la thèse consistant à aligner les durées de protection des deux catégories de prérogatives. [...]
[...] En l'espèce, le chanteur estimait que des compilations commercialisées à l'initiative du cessionnaire de ses droits patrimoniaux portaient atteinte à son droit moral d'artiste-interprète. La haute juridiction lui donna gain de cause, considérant qu'une exploitation sous forme de compilations avec des oeuvres d'autres interprètes étant de nature à en altérer le sens, ne pouvait relever de l'appréciation exclusive du cessionnaire et requérait une autorisation spéciale de l'artiste On distingue cependant une exception. En effet, en vertu de l'article L. 211-4, du Code de la propriété intellectuelle, l'autorisation n'est pas nécessaire si les droits sur l'enregistrement ancien sont déjà dans le domaine public, alors même que l'artiste est encore en vie. [...]
[...] Cette conception va à l'encontre de l'évolution actuelle de la jurisprudence qui s'efforce d'identifier les intérêts éventuellement atteints par l'image, afin de mieux concilier ce droit avec des droits et libertés contraires. Pour que des intérêts contraires puissent être mis en balance, il importe en effet que ceux-ci soient bien identifiés et définis. L'image n'est pas un attribut autonome de la personnalité, mais ne constitue en réalité qu'un moyen de porter atteinte aux intérêts extra- patrimoniaux et patrimoniaux de la personne. [...]
[...] La question de la durée du droit moral de l'artiste-interprète Quelle est la durée du droit moral de l'artiste-interprète? Le code de la propriété intellectuelle n'apporte pas de réponse à cette question. Certes, celle-ci n'était pas directement posée à la Cour de cassation, mais les circonstances auraient pu l'inciter à faire part de sa doctrine en la matière. Son mutisme n'est cependant pas total. D'emblée, la haute juridiction affirme que le droit au respect de l'interprétation est imprescriptible Ce faisant, elle se contente toutefois de reprendre les termes de l'article L. [...]
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