À la suite d'une agression, le passager d'un train est tué. Sa mère assigne la SNCF et l'auteur du coup en réparation de son préjudice moral.
Elle est déboutée par la cour d'appel qui a retenu l'application de la force majeure exonérant ainsi de sa responsabilité la SNCF. Elle forme alors un pourvoi en cassation.
Elle conteste en effet l'irrésistibilité et l'imprévisibilité du coup porté à son fils en s'appuyant sur l'absence de mesures de précaution dans les circonstances de la coupe du monde et l'absence de contrôle du titre de transport de l'agresseur qui était monté sans payer.
La question soumise aux juges de cassation consistait à savoir si la SNCF peut s'exonérer de sa responsabilité en cas d'agressions dans ses trains en invoquant la force majeure alors même qu'elle a une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses passagers.
La première chambre civile de la cour de cassation, dans un arrêt du 23 juin 2011, rejette le pourvoi en affirmant que le comportement de l'agresseur avait été irrationnel puisqu'il s'était soudainement approché de la victime et l'avait poignardé sans précéder son geste d'une parole ou d'une manifestation d'agitation anormale et que donc ce geste comportait pour la SNCF les caractères de la force majeure.
[...] Dans cet arrêt, la mère du passager tué invoque à son profit l'inexécution par la SNCF d'une obligation de sécurité que cette dernière avait à l'égard du passager. Cette obligation de sécurité du transporteur a pour la première fois été affirmée par la jurisprudence dans un arrêt du 21 juin 1911 concernant les transports maritimes. Puis elle a été étendue aux autres modes de transports dont le transport ferroviaire. D'abord fondée sur une volonté fictive des parties, cette obligation de sécurité de résultat des transporteurs est maintenant fondée sur l'article 1135 du code civil (...)
[...] On peut notamment citer plusieurs arrêts où elle refuse la qualification de la force majeure : - dans l'arrêt de la première chambre civile du 12 décembre 2000, s'agissant de l'agression commise par une personne en état d'ébriété. Mais ici on pourrait estimer que les agents de la SNCF auraient pu remarquer cet état et qu'il n'y avait donc pas irrésistibilité. - dans l'arrêt de la première chambre civile du 21 novembre 2006 concernant l'agression d'une victime dans un wagon couchette. [...]
[...] La solution adoptée par la cour de cassation le 23 juin 2011 est donc en totale contradiction avec cette précédente position. C'est en cela qu'on va pouvoir réellement parler d'une atténuation de la sévérité de la cour de cassation à l'égard du transporteur ferroviaire. Sa position précédente était jusqu'alors critiquée par la doctrine pour son manque de cohérence car si en théorie le transporteur ferroviaire pouvait s'exonérer de sa responsabilité par la mise en avant d'une cause étrangère, en réalité, cette exonération n'était que rarement admise. [...]
[...] Donc la mère de la victime aurait dû engager la responsabilité délictuelle de la SNCF. Cependant on remarque que la cour de cassation ne fait pas mention d'une irrecevabilité de l'action et même traite la question soulevée. On peut voir en cela deux explications : Premièrement, selon un arrêt de la chambre civile du 6 décembre 1932, les proches parents envers lesquels le défunt était tenu d'un devoir d'assistance peuvent se prévaloir de l'obligation de sécurité liée au contrat de transport en qualité d'ayants droit du voyageur et ce en vertu de la stipulation pour autrui tacite. [...]
[...] Ainsi la responsabilité fondée sur l'inexécution de l'obligation de résultat est une responsabilité objective, de plein droit. Dès lors, l'inexécution en l'espèce de l'obligation de sécurité à l'égard du passager tué est prouvée puisqu'il est entré sain et sauf dans le train et en est sorti blessé mortellement. Cette inexécution est de nature à engager la responsabilité contractuelle de la SNCF. Il convient donc désormais de rechercher en quoi la cour de cassation dans cet arrêt du 23 juin 2011, a pu conclure à l'exonération de responsabilité de la SNCF. [...]
[...] Il s'agit d'un type de contrat où les parties contractantes ne sont pas sur un pied d'égalité en ce que l'une n'a pas la possibilité de négocier. Ce type de contrat nécessite donc un encadrement pour éviter les abus et constitue ainsi l'exemple type dans lequel l'article 1135 du code civil va s'appliquer. Ainsi s'il est reconnu au transporteur ferroviaire une obligation de sécurité vis-à-vis de ses passagers, l'inexécution de toute obligation ne permet pas d'engager la responsabilité du contractant défaillant. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture