« Tout ce que la cause gagne en superficie, elle perd en cohérence », ces propos de François Chénedé sont assez démonstratifs de la réflexion qui sera menée ici : étendre la notion de cause ou la modifier ne lui est pas bénéfique, c'est un domaine sensible.
La Première Chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet le 3 juillet 1996 dans une affaire concernant la cause d'une obligation.
Dans cet arrêt la société DPM conclu avec les époux Y un contrat de création d'un point club vidéo et de location de cassettes.
Le 17 mars 1994, la Cour d'Appel de Grenoble annule le contrat pour défaut de cause en retenant que la cause de l'obligation des époux était la diffusion des cassettes auprès de leur clientèle et que cette exploitation était vouée à l'échec. La société PDM forme alors un pourvoi en cassation.
La société PDM avance que dans un contrat synallagmatique la cause de l'obligation d'une partie réside dans l'obligation de l'autre partie ainsi il y a bien une cause qui est pour les époux de mettre à disposition de leurs clients les cassettes, et que les motifs déterminants ne peuvent constituer la cause du contrat s'ils ne sont pas prévus dans le champ contractuel ainsi la rentabilité voulue ne peut être prise en compte comme une cause.
Dans un contrat synallagmatique, la cause de l'obligation réside-t-elle dans l'obligation de l'autre partie ou provient-elle d'un motif plus lointain ?
La Cour de cassation répond que la cause de l'obligation tient compte de l'économie du contrat, ainsi elle procède à une certaine subjectivisation de la cause de l'obligation, ainsi elle rejette le pourvoi formé par la société PDM et l'annulation du contrat est maintenue.
Cette solution apportée par la Cour de cassation a pour intérêt de rompre avec la conception classique la cause objective qui est la cause de l'obligation. En effet la cause objective qui était envisagée jusqu'alors stricto sensu va se voir apporter une dose de subjectivité ce qui va permettre de parler de subjectivisation de la cause objective. Cependant il faut constater que cela entache l'équilibre entre les parties quant à la sécurité juridique et cela change l'appréhension de la notion de cause en général.
Dans un premier temps nous verrons donc l'annulation du contrat pour défaut de cause (I), ce qui nous amènera par la suite à envisager les conséquences juridiques critiquables de cette décision (II) (...)
[...] Il faut ici voir que la Cour fait entrer dans la conception objective de la cause l'économie du contrat, économie qui semble être un but lointain qui relèverait en théorie de la cause subjective, l'aspect réalisable de l'obligation lui aussi ne semble pas s'apparenter directement à la cause objective, c'est donc en cela qu'on peut parler d'une subjectivisation de la cause objective par la Cour de cassation. Cette subjectivisation de la cause objective qui fait son apparition dans les années 1990 à l'exemple de l'arrêt du 3 Juillet 1996 n'est pas forcément une bonne chose, en effet il y a des conséquences juridiques critiquables. [...]
[...] On insiste alors sur la réelle contrepartie tenant à l'économie de l'opération. On peut citer quelques exemple jurisprudentiels : le 3 Mars 1993 la Première Chambre civile de la Cour de cassation a admis que la vente d'un terrain pour un franc symbolique avait une cause qui était l'apurement de dettes et la poursuite de l'activité de la société du vendeur, le 13 Juin 2006 cette même chambre a admis qu'un contrat d'achat de bandes sonores d'un artiste-compositeur, par des éditeurs pour un franc symbolique avait une cause au motif que celui-ci s'inscrivait dans le cadre d'une opération économique constituant un ensemble contractuel indivisible. [...]
[...] Il faut comprendre qu'ici les motivations des parties sont indifférentes car cela constitue la cause subjective, cause du contrat. Dans un contrat aléatoire la cause de l'obligation de payer est l'espoir de quelque chose si on supprime l'aléa, le contrat est nul. Dans le contrat unilatéral la seule obligation du contrat est l'obligation de rembourser, c'est un contrat réel qui n'existe que par la remise de la chose la jurisprudence a dit que la cause était la remise préalable des fonds ou de la chose. [...]
[...] On peut envisager le problème de deux façons, en se plaçant du côté d'une partie au contrat puis de l'autre. Prenons le cas d'espèce, le contrat de location des cassettes, et plaçons nous tout d'abord du côté du preneur à savoir le couple Y. Ce couple conclu un contrat de location de cassettes, la cause de leur obligation est la mise à leur disposition des cassettes par le locataire. La cause du contrat est de faire des bénéfices, car c'est le but de toute activité commerciale, or la création d'un point club vidéo constitue une activité commerciale. [...]
[...] Cette subjectivisation de la cause objective amène à se poser des questions sur l'utilité des deux causes. En effet on se rapproche beaucoup de certaines décisions basées uniquement sur la cause subjective à l'exemple de l'arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 12 juillet 1989 où la Cour annule un contrat pour illicéité de la cause subjective en rappelant que cette cause est le mobile déterminant de l'engagement d'une partie. Le rapprochement est le suivant : dans l'arrêt du 3 juillet 1996, la viabilité de l'entreprise est l'élément pris en compte pour prononcer le défaut de cause, or c'est le mobile déterminant de l'engagement de la partie. [...]
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