A mi-chemin entre la vente - qui transfère la propriété d'une bien contre paiement d'une somme - et le prêt - mise à disposition le plus souvent gratuite d'un corps certain restitué par la suite - le bail peut se définir comme l'attribution par le bailleur de la jouissance de son bien au preneur, moyennant un prix appelé loyer que ce dernier s'engage à payer pendant la durée du bail. De la même manière que le contrat de vente met à la charge du vendeur des obligations destinées à protéger l'acquéreur (information, délivrance, garanties), le contrat de bail impose au bailleur une obligation de garantir la jouissance paisible de la chose objet du contrat au preneur.
C'est d'ailleurs ce qu'illustre l'arrêt commenté de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation du 20 avril 2005. (...)
[...] La disposition de l'article 1719 du Code civil se comprend aisément puisqu'elle est le pendant logique du contrat : si le bailleur met à disposition du locataire une chose contre paiement d'un loyer, il ne peut ensuite entraver la jouissance de ce bien sans manquer à ses obligations contractuelles. En cas de gêne volontaire du bailleur dans la jouissance du preneur, ce dernier pourrait en effet se plaindre de la non-exécution du contrat : la mise à disposition n'aura pas pleinement lieu. Pourtant, ce fondement étant de façon évidente quelque peu bancal, il a bien fallu introduire la notion de tranquillité de jouissance, afin qu'en cas de trouble du bailleur, le preneur lésé puisse explicitement invoquer l'article 1719 pour se défendre. [...]
[...] S'il ne restait au bailleur après 1946 qu'une protection exceptionnelle en cas de trouble causé par un tiers à la colocation, il ne lui reste désormais plus qu'une protection résiduelle. Après avoir cassé l'arrêt d'appel pour avoir favorisé plus que de raison le bailleur, il semble que la Cour de cassation n'ait aucun scrupule à surprotéger le preneur contre les troubles. [...]
[...] En effet, l'article 1725 vient justement limiter sa garantie à des cas pertinents : le bailleur ne pouvant prévoir et influer sur le comportement de tiers, il ne peut être rendu responsable de leurs actes et n'est pas tenu de les faire éviter à son preneur. Ces dispositions s'expliquent simplement par des considérations d'ordre pratique car même avec la meilleur volonté qui soit, il sera difficile au bailleur de protéger ses locataires contre de tels troubles. Pourtant, il convient de remarquer qu'en matière immobilière comme dans l'arrêt commenté, cette exonération pour le bailleur se trouve être remise en cause. La jurisprudence précitée de 1946 (Cass ? soc oct. [...]
[...] C'est pourquoi un arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation du 18 juin 2002 a rappelé que seule la force majeure pouvait exonérer le bailleur de son obligation de faire jouir paisiblement le preneur à bail. Il lui faudra donc prouver l'existence d'un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur afin de pouvoir faire jouer cette exonération. Concernant plus particulièrement le cas d'espèce, où les preneurs à bail sont troublés dans leur jouissance par d'autres locataires du même immeuble, il a déjà été jugé (Cass. [...]
[...] Pourtant, avant de rendre sa solution, cette dernière aurait dû prendre en compte, comme l'avait déjà jugé un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 25 octobre 1946, que le colocataire d'un même immeuble n'est pas un tiers pour le locataire troublé, au sens de l'article 1725 du Code civil. De plus, elle aurait pu prendre en compte également le fait que cet article requiert un trouble constitutif d'une voie de fait, c'est-à-dire, selon le vocabulaire juridique Gérard Cornu, un comportement s'écartant si ouvertement des règles légales, qu'il justifie de la part de celui qui en est victime le recours immédiat à une procédure d'urgence afin de faire cesser le trouble qui en résulte Or, il semble qu'en l'espèce, les troubles anormaux du voisinage subis par les locataires ne présentent pas le caractère d'une telle gravité. [...]
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