Une promesse synallagmatique contenant les éléments essentiels de la vente vaut-elle vente ?
À en croire la cour de cassation, la réponse est affirmative, à la condition que les parties n'aient pas « entendu faire de la réitération de l'acte un élément constitutif de leur consentement ».
En l'espèce, un acheteur signe un acte sous seing privé le 20 mai 1986 avec un vendeur qui stipule que l'acheteur sera propriétaire des biens vendus à compter seulement de la réitération de l'acte devant notaire. Le vendeur s'étant rétracté entre le moment de la signature sous seing privé et la réitération sous la forme authentique, l'acheteur a saisi les juges du fond afin de faire constater la réalité de la vente. Les juges du fond l'ont débouté de sa demande a priori sur le fondement d'une jurisprudence antérieure, en énonçant que le vendeur n'est tenu que d'une obligation de faire envers l'acquéreur entre la promesse synallagmatique et la signature de l'acte authentique, de sorte que l'acheteur ne reçoive que des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1142 du code civil. La cour de cassation saisie après pourvoi du demandeur, censure au visa de l'article 1589 du code civil: « la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties », en ajoutant qu'il convient néanmoins de rechercher si les parties n'ont pas voulu faire de la réitération « un élément constitutif de leur consentement ».
Se pose alors la question de savoir si la promesse synallagmatique a une existence autonome ?
C'est en pratique difficile à dire. En atteste le jugement de la cour de cassation qui a en réalité été confrontée en l'espèce à un conflit opposant consensualisme et liberté contractuelle (I). Néanmoins, d'une manière plus objective et générale, l'autonomie de la promesse synallagmatique de vente n'est plus à démontrer (II). (...)
[...] En effet, à quoi sert la promesse synallagmatique de vente si elle n'offre pas un degré d'engagement différent de celui de l'acte de vente définitif? C'est en ce sens qu'il est normal que le vendeur ne soit tenu que d'une obligation de faire, pouvant se résoudre en conséquence en dommages-intérêts sur le fondement l'article 1142 du code civil, entre le moment où la promesse est signée et sa réitération, si nécessaire, sous une forme plus conventionnelle. De plus, qui serait assez casse-cou pour s'aventurer à signer une promesse synallagmatique de vente, donc liant les deux parties, l'une à acheter et l'autre à vendre, sans qu'il ne soit convenu à l'avance de ce qui va être vendu et à quel prix cela va être vendue? [...]
[...] Cela veut dire a contrario que, dans l'hypothèse où les parties ne prennent pas le soin de définir ce qu'elles entendent par consentement, soit elles s'exposent à une réelle vente, soit elles doivent laisser à la discrétion d'une partie la fixation d'un élément essentiel de la vente: le prix ou la chose. [...]
[...] Mais est-il concevable de vouloir adapter une telle solution aux relations entre particuliers, sachant que les sommes jeu» sont souvent beaucoup moins importantes et que le poids d'une procédure judiciaire n'est pas à la portée, morale et financière, de tout le monde? C'est pourtant ce que semble suggérer la cour de cassation en requalifiant en contrat de vente une promesse synallagmatique aux seuls motifs qu'elle contient un accord sur la chose et le prix, sans rechercher la réelle volonté des parties, bien que clairement exprimée en l'espèce. [...]
[...] Mais en l'espèce, les parties n'ont elles pas voulu faire de la réitération sous la forme authentique un élément constituf du consentement selon les termes par elle employée? Dans ce cas, la promesse synallagmatique conclue entre le vendeur et l'acheteur entrent pleinement dans l'aménagement prévu par les juges de cassation ( . ) tout en constatant l'accord sur la chose et le prix et sans relever d'autres circonstances de nature à démontrer que les parties avaient fait de la réitération de l'acte un élément constitutif de leur consentement). [...]
[...] De même, le transfert de la propriété peut, par le biais de la clause de réserve de propriété, intervenir qu'après paiement complet du prix. Il est donc tout à fait légitime et possible de se demander si, en l'espèce, le vendeur, par l'introduction de cette condition suspensive, n'a pas voulu retarder le transfert de propriété afin de s'assurer de la réalité du consentement de l'acheteur, en amenant celui-ci à signer un acte authentique. D'une manière plus générale, cette solution amène à confronter promesse synallagmatique et contrat définitif en pratique (II). II. [...]
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