En principe, les actes juridiques permis à l'usufruitier sont, certes, les actes de conservation, mais surtout les actes d'administration qui feront du bien une source de revenus.
Cependant, certains baux sont donc assimilés à des actes de disposition ; l'usufruitier ne peut pas les passer seul, il a besoin de l'accord du nu-propriétaire.
C'est autour de cette problématique de qualification des actes juridiques de l'usufruitier que tourne la décision de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 2 février 2005.
Quatre usufruitiers de terres agricoles voulaient donner à bail commercial à deux sociétés une part du terrain objet de l'usufruit en vue de permettre la construction et l'exploitation d'une plate-forme de compostage de déchets organiques. Les représentants de 9/64e des nus-propriétaires étant opposés à ce projet, les usufruitiers les ont assigné, ainsi que les autres nus-propriétaires, afin de recevoir une autorisation judiciaire de conclusion dudit bail commercial.
L'autorisation fut donnée aux usufruitiers ; les nus-propriétaires interjetèrent donc appel et, dans un arrêt du 15 septembre 2003, la Cour d'appel de Bordeaux confirme la décision des juges du fond, au motif que le bail commercial envisagé répondait à une nécessité d'adaptation économique et environnementale. Un pourvoi en cassation fut formé.
Il s'agit, pour la Cour de cassation, de déterminer si l'usufruitier d'un domaine agricole peut conclure un bail commercial sur une fraction du domaine, dans la mesure où ce bail, dicté par l'évolution économique, ne porte pas atteinte à la substance de la chose, le preneur s'engageant à remettre cette chose en état à l'expiration du bail.
L'argument de la Cour d'appel relatif à l'évolution économique nécessaire fut reconnu par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 2 février 2005, rejette le pourvoi.
Les principes rappelés par la Cour de cassation dans ses deux premiers moyens sont codifiés aux articles 578 et 595 du Code civil et sont inhérents au statut de l'usufruitier (I). Cependant, le moyen sur lequel se base la Cour pour confirmer l'arrêt d'appel est fondé sur une nécessité d'adaptation du droit à la conjoncture économique (II) (...)
[...] L'argument de la Cour d'appel relatif à l'évolution économique nécessaire fut reconnu par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 2 février 2005, rejette le pourvoi. Les principes rappelés par la Cour de cassation dans ses deux premiers moyens sont codifiés aux articles 578 et 595 du Code civil et sont inhérents au statut de l'usufruitier Cependant, le moyen sur lequel se base la Cour pour confirmer l'arrêt d'appel est fondé sur une nécessité d'adaptation du droit à la conjoncture économique (II). [...]
[...] L'application dans le temps des obligations de l'usufruitier. L'argument des juges du fonds pour autoriser un tel bail sans l'accord des nus-propriétaires est celui de la remise des lieux en leur état d'origine en fin de bail. Ainsi, le respect de la destination du bien objet de l'usufruit serait-il défini en début de droit, puis évalué au terme de l'usufruit. A cet argument, la Cour de cassation vient préciser l'application dans le temps de l'obligation pour l'usufruitier de respecter la destination de la chose, et, par extension d'en conserver la substance. [...]
[...] Cette obligation de respecter la destination de la chose est rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 5 décembre 1968 : un usufruitier dont le droit porte sur une maison de plaisance ne peut en fait une maison de commerce. Certains baux sont si graves qu'ils sont assimilés à des actes de disposition ; l'usufruitier ne peut pas les passer seul, il a besoin de l'accord du nu-propriétaire. [...]
[...] La seconde condition que semble exiger la Cour de cassation est celle du respect des droits des nus-propriétaires. Ce respect se manifeste par la remise en état de la parcelle litigieuse à la fin du bail commercial, et ce afin de ne pas perturber l'activité qu'y reprendront les nus-propriétaires au terme de l'usufruit. On peut en revenir à cette décision du 5 décembre 1968 ; la transformation d'une maison de plaisance en maison commerciale, en cas de réfection en fin d'usufruit, aurait pu bénéficier à la jouissance du bien objet du droit sans pour autant nuire au nu-propriétaire. [...]
[...] Ce point mérite discussion ; l'idée est que l'usufruitier doit conserver la destination de la chose, car c'est à lui de s'adapter à l'usage qu'en faisait le propriétaire et que ce dernier sera appelé à réitérer. Cependant, en l'espèce, la remise en état du bien litigieux ne provoquerait aucun bouleversement dans les activités du nu-propriétaire. Ainsi cette question semble-t-elle purement interprétative, et non-pas réellement définie par les textes. En statuant ainsi sur ce motif précis, donc, la Cour de cassation semble donc donner une interprétation stricte et étriquée des textes relatifs aux obligations de l'usufruit, interprétation qu'elle vient ensuite nuancer sur son troisième moyen. [...]
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