L'exercice de l'action oblique par un créancier est très encadré, l'arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 11 janvier 2000 en est la parfaite illustration.
En l'espèce, une donatrice fait une libéralité à un donataire en avancement d'hoirie d'un ensemble de maisons et de deux parcelles boisées. La donatrice a stipulé une réserve d'usufruit à son profit, un droit de retour, ainsi que l'interdiction pour la donataire d'aliéner les biens donnés.
Le liquidateur judiciaire de la donataire, agissant dans l'intérêt des créanciers, demande l'autorisation de vendre les biens aliénés. La question est de savoir si le créancier qui agit par la voie de l'action oblique peut opposer à la donatrice de son débiteur son intérêt personnel pour saisir des biens donnés, grevés d'inaliénabilité ?
[...] Si il semble alors que l'exercice de l'action oblique soit plus souple, des limites à l'utilisation de ce droit ont été posées. I. Recevabilité de l'action oblique du créancier (demandant la levée judiciaire de l'obligation d'aliéner) Il ressort de cette décision que les libéralités accompagnées d'une clause d'inaliénabilité ne sont pas des droits exclusivement attachés à la personne du débiteur. On en déduit alors implicitement un revirement de jurisprudence. Une action pas exclusivement attachée à la personne du débiteur L'article 1166 du Code civil dispose que le créancier peut exercer par la voie de l'action oblique tous les droits et actions de son débiteur à l'exception de ceux exclusivement attachés à la personne. [...]
[...] C'est uniquement l'intérêt du donataire qui doit être confronté à celui du donateur. Cette interprétation est satisfaisante car elle obéit au mécanisme de l'action oblique qui n'est pas une action donnée en propre au créancier. Au contraire même, c'est une action ou le créancier est substitué au débiteur il lui emprunte ses droits et actions et ne doit en aucun cas faire valoir ses droits propres. Les créanciers ne sauraient donc avancer leur propre intérêt sans sortir du cadre de l'action oblique. [...]
[...] Les conséquences de cette solution sur les clauses d'inaliénabilités Si à première lecture de l'arrêt la crainte peut paraître légitime de voir affaibli la force des clauses d'inaliénabilité dans les donations, en réalité en lisant attentivement l'arrêt on s'aperçoit que si l'action oblique est recevable plus facilement il n'en reste pas mois qu'elle est encadrée. Le créancier est substitué à son débiteur et il doit prouver que l'intérêt de son débiteur à payer ses créanciers est plus important que l'intérêt du donataire. [...]
[...] Mais la porte qui est désormais ouverte aux créanciers reste étroite car comme l'implique la logique même de l'action il leur appartiendra d'établir que l'intérêt du donateur ayant justifié l'inaliénabilité du bien donné est dépassé non par leur propre intérêt mais par celui de leur débiteur. II. Les limites à l'exercice de cette action oblique Les juges recadrent l'exercice de cette action en rappelant que le créancier est substitué au débiteur. De plus ce droit du créancier n'a en réalité pas de conséquence grave sur les clauses d'aliénation d'un bien. [...]
[...] Cette question était celle que se posaient les juges de la 1ère chambre civile le 3 juin 1998 dans une affaire similaire à celle de l'espèce. La réponse apportée était négative et impliquait la protection des donations grevées d'une clause d'inaliénabilité. Or en l'espèce les juges du droit ne se posent pas cette question et jugent l'affaire c'est à dire qu'ils admettent ainsi implicitement la recevabilité d'une action oblique contre les libéralités accompagnées d'une charge. Les juges n'ont pas censuré l'arrêt d'appel en se fondant sur la nature de l'action exercée qui serait strictement personnelle au débiteur mais sur les conditions de son exercice. [...]
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