L'arrêt rendu par la Deuxième Chambre civile, le 18 octobre 2012 consacre l'application extensive du renvoi de l'article 47 du Code de Procédure civile en censurant la Cour d'appel qui l'avait déclaré inapplicable hors du cas où l'auxiliaire de justice est partie au litige pour défendre son intérêt personnel, soit dans la configuration procédurale où cet auxiliaire, le bâtonnier de l'ordre de la juridiction qu'il avait saisie, en l'espèce, figurait à l'instance en qualité de représentant de sa profession pour y défendre l'intérêt de celle-ci.
Le bâtonnier du Conseil de l'Ordre du barreau de Chambéry agissant en qualité de représentant de sa profession ordinale, a assigné en référé une personne au motif que celle-ci aurait exercé illégalement une activité juridique et de représentation. Or, la défenderesse demanda le renvoi du dossier par application de l'article 47 CPC, renvoi qui lui fut refusé par la cour d'appel de Chambéry au motif que les conditions d'application de ce texte n'étaient pas réunies, le bâtonnier comparaissant non pour défendre un intérêt personnel mais en qualité de représentant d'un groupement d'auxiliaires de justice, le barreau, défendant ici son monopole dans l'exercice de la profession d'avocat, et donc un intérêt supérieur dont la méconnaissance relève plus d'un contentieux objectif que d'un litige privé.
À quoi la haute juridiction objecte qu'il est indifférent que l'auxiliaire de justice comparaisse pour défendre l'intérêt collectif de la profession d'avocat.
[...]
Après avoir exposé le contenu textuel de l'article 47 CPC, on pourra rappeler ce qu'il faut entendre par auxiliaire de justice et dire que la généralité du terme englobe aussi bien les avocats que les autres auxiliaires chargés d'une mission d'administration de la justice : administrateurs judiciaires, huissiers, mandataires judiciaires et liquidateurs, etc.
A contrario, seront écartés notaires, experts judiciaires et greffiers du tribunal de commerce.
Ensuite, préciser que le fait que le magistrat ou l'auxiliaire qui comparaisse en son nom personnel ou comme représentant d'une autre personne, physique ou morale, assumant une mission de représentation ad agendum, exerçant donc véritablement le droit d'agir et figurant à ce titre à la procédure et non en qualité de simple mandataire ad litem, est indifférent, l'article 47 pouvant être invoqué dès lors que sa présence est susceptible de priver son adversaire des garanties objectives d'impartialité que la loi lui octroie (...)
[...] Discussion de la solution extensive retenue par la Deuxième Chambre civile On a dit précédemment que la Cour de cassation appliquait l'article 47 lorsque l'auxiliaire de justice comparait en qualité de représentant ad agendum d'une autre personne. Il faut en déduire que la qualité de partie, qui est un rôle procédural et ne se confond pas avec la titularité de l'action en justice suffit pour mettre en jeu le principe du renvoi de l'article 47. Mais s'agissant de l'intérêt porté par le bâtonnier, il faut d'abord remarquer que l'article 47 vise un cas de figure très différent des cas de suspicion légitime de l'article 341 CPC. [...]
[...] Ainsi en va‐t-il de tous les cas de l'article 341 à compter du second dans la liste. Il suffit en fait que l'intérêt, fut-il indirect, d'une personne liée au juge par un lien familial, hiérarchique, financier, etc., soit susceptible de peser dans la balance, pour justifier sa récusation. S'il n'est donc pas nécessaire que l'intérêt porté par l'auxiliaire soit son intérêt propre, comme l'a admis la Deuxième Chambre civile dans le cas où celui‐ci agit es-qualités de représentant légal d'une personne morale, du moins pourrait-on penser que cette jurisprudence ne doit pas être étendue au cas où l'intérêt défendu n'est pas l'intérêt d'une personne physique ou morale, mais un intérêt collectif voire l'intérêt général. [...]
[...] La justification de la règle L'article 47 est, avec les procédures de récusation et de renvoi des articles 341 et suivants du CPC, l'un des moyens procéduraux offerts au justiciable afin de lui garantir l'impartialité du tribunal devant lequel il comparait. En l'espèce, le renvoi était demandé par le défendeur assigné. On observera que bien que le texte figure parmi les dispositions relatives aux règles communes de compétence, la demande de renvoi n'est pas assujettie au régime du déclinatoire de compétence qui est une exception de procédure et peut être présentée après avoir conclu au fond et même en cause d'appel sans avoir à passer par la voie du contredit (Cass. 2e civ février 1995, 93‐14317 : Bull. [...]
[...] Le renvoi de l'article 47 doit-il être réservé au cas où l'auxiliaire comparaissant défend un intérêt personnel ? Si l'on considère que l'impartialité se confond avec l'absence de conflit ou de confusion d'intérêt entre l'une des parties et le ou les juges appelés à statuer sur l'affaire, ce qu'exprime l'adage nul ne saurait être juge et partie il faut réserver le renvoi au cas où l'auxiliaire visé par la demande de renvoi comparait en son nom propre. De fait, si l'on rapproche l'article 47 de l'article 341, le dénominateur commun de tous les motifs de mise en cause de l'impartialité du juge ou du tribunal est l'existence d'un intérêt personnel en dehors du cas où le motif tient à la nécessité d'assurer l'impartialité fonctionnelle du juge ayant déjà connu de l'affaire. [...]
[...] Si la récusation d'un juge peut être demandée pour des motifs autres que l'existence d'un intérêt personnel au litige, doit‐il en aller de même du renvoi demandé en raison de la présence au procès d'un auxiliaire de justice ? C'est précisément ce à quoi devait répondre cet arrêt de censure dans une affaire où l'auxiliaire comparaissant en qualité de demandeur agissait au nom de l'intérêt de sa profession. II) L'application de l'article 47 CPC au cas où l'auxiliaire de la juridiction agit en qualité de représentant de l'intérêt de la profession (discussion) Ainsi, on pourra discuter en premier lieu la question de savoir si la demande de renvoi, du fait de l'autonomie de l'article 47, doit être réservée exclusivement et strictement au cas où l'auxiliaire comparaissant défend un intérêt personnel, avant de discuter la solution extensive retenue par la Deuxième Chambre civile. [...]
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