« La loyauté n'interdit pas la rupture, mais impose, de manière croissante au fil des progrès de la négociation, la franchise quant à ses chances de succès ».
L'arrêt de rejet rendu le 18 janvier 2011 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation est relatif à la responsabilité contractuelle consécutive à la rupture des pourparlers. En l'espèce, une promesse synallagmatique de cession d'actions a été conclue entre l'actionnaire d'une société et son destinataire le 6 avril 2006. La cession, qui devait intervenir entre les 19 et 27 avril 2006 n'a pas eu lieu. Le pollicitant cherche alors un nouveau destinataire sans prévenir le cessionnaire d'origine. Ce dernier, lésé, attaque alors le pollicitant.
Le tribunal déboute le destinataire lésé mais la cour d'appel infirme le jugement. Un pourvoi est formé par le pollicitant qui avance deux motifs.
En premier lieu, « la rupture des pourparlers n'engage la responsabilité de ses auteurs que si elle est fautive et qu'elle ne repose pas sur un motif légitime ». En l'occurrence, la promesse de vente était caduque ; la cessation des relations contractuelles était donc légitime et non fautive. Cette première remarque entraîne directement la seconde. Selon le pollicitant, les dommages-intérêts ne peuvent constituer la réparation du préjudice car il faudrait que ce dernier soit la conséquence de la faute commise par l'auteur de la rupture. En l'espèce, les frais exposés étaient imputables à la négociation et à la rupture, non pas au comportement du cédant.
La rupture des pourparlers est-elle fautive dès lors que le pollicitant ne prévient pas expressément le destinataire de la cessation des relations contractuelles alors même que le délai était dépassé ?
Attendu que le destinataire a appris, après l'arrêt des discussions, que la cession avait eu lieu au profit d'un tiers alors que les discussions n'étaient alors pas terminées et que les pourparlers étaient bien avancés. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a retenu de bon droit que le pollicitant qui avait rompu sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu'il entretenait avec son partenaire qui avait déjà engagé des frais et qu'il avait maintenu volontairement dans une incertitude prolongée en lui laissant croire que l'affaire allait être conclue à son profit, avait manqué aux règles de bonne foi dans les relations commerciales et avait ainsi engagé sa responsabilité délictuelle envers le destinataire lésé (...)
[...] Une interprétation étroite de ce principe lui aurait donné raison, alors pourquoi la Cour de cassation en a décidé autrement ? La Cour de cassation impose, dans tout contrat dont les pourparlers sont déjà bien entamés, au négociateur un devoir. Il doit négocier le contrat de bonne foi. C'est à dire qu'il doit faire preuve d'un minimum de loyauté Le devoir de négocier le contrat de bonne foi Le devoir de négocier le contrat de bonne foi se traduit surtout au stade de la rupture de la négociation. [...]
[...] L'intérêt négatif est la perte subie par les négociations consécutivement à la rupture. En revanche l'intérêt positif n'est pas réparable. L'intérêt positif est le gain manqué par la rupture des pourparlers. Quand bien même les chiffres ont été établis dans la négociation, la Cour de cassation estime que le remboursement de cet intérêt positif est impossible. Cette impossibilité est inhérente au respect de liberté contractuelle. Ce dommage étant causé par une liberté et non pas par une faute, il ne peut être réparé. [...]
[...] La jurisprudence et la doctrine ont développé deux conceptions radicalement différentes de la faute précontractuelle. La première est la faute dans la rupture. C'est une faute étrangère à la rupture en elle-même mais commise ou révélée à l'occasion de celle-ci. La mise en jeu de la responsabilité de l'auteur de la faute ne reviendra pas à replacer la victime dans l'état dans lequel elle se serait trouvée en l'absence de rupture mais dans l'état dans lequel elle se serait trouvée si la rupture n'avait pas été accompagnée de circonstances fautives. [...]
[...] Si l'offrant se rétracte pendant ce délai, on parle de révocation abusive qui entraîne sa responsabilité civile. Dans les faits actuels, la négociation réalisée entre les belligérants a abouti à une promesse synallagmatique de cession d'actions sous réserve de conditions suspensives liées à la remise de certains documents par le cédant au cessionnaire Comme nous l'avons vu précédemment, la liberté contractuelle, c'est la liberté d'entrer en négociation mais également de les rompre. Mais une liberté totale entrerait en conflit avec le principe de sécurité juridique. [...]
[...] C'est à dire qu'il faut remettre la victime dans l'état dans lequel elle était avant la rupture. Il faudrait, et c'est la politique jurisprudentielle actuellement menée par la Cour de cassation, appliquer exclusivement la faute de négociation, c'est à dire assurer le seul remboursement des intérêts négatifs. Cela assurerait le dédommagement requis du contractant lésé tout en consacrant le principe de liberté contractuelle. En outre cette faute de négociation peut provenir de différents fondements tels qu'une rupture sans raison légitime, brutale et unilatérale ou encore parce que le contractant a manqué aux règles de la bonne foi L'arrêt étudié s'inclue dans la politique jurisprudentielle du moment en renforçant les principes précédemment établis par la Cour de cassation. [...]
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