I- Un dommage corporel, une causalité juridique, deux auteurs possibles
Le patient doit tout d'abord apporté la preuve du caractère nosocomiale de l'infection (A). Mais, normalement, c'est aussi à lui qu'incombe la charge de la preuve du lien de causalité entre la faute contractuelle et le dommage en question, soit l'infection nosocomiale (B).
A- La charge de la preuve du caractère nosocomiale de l'infection
Selon la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, « les établissements, services et organismes » sont totalement responsables contractuellement pour les infections nosocomiales contractées en leur sein, les exonérant cependant s'ils rapportent la preuve « d'une cause étrangère ». Toutefois, la preuve du caractère nosocomial de l'infection reste à la charge de celui qui l'invoque. Ce fait est pleinement consacré par l'article 1315 du Code civil, cité dans le visa de l'arrêt étudié. En effet, suivant l'adage du droit romain « Actori incumbit probatio », la charge de la preuve incombe au demandeur : il doit prouver ses affirmations (art. 9 du code de procédure civile). La Cour de cassation l'avait d'ailleurs déjà, auparavant, précisé : « Il appartient au patient de démontrer que l'infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial » (Cass. Civ. 1ère, 27 mars 2001). La victime doit, par conséquent, à l'appui de la demande en réparation de son dommage, démontrer qu'il existe un lien de causalité entre les soins qu'il a reçu lors de son hospitalisation dans l'établissement de santé et l'infection. En l'espèce, les ayants cause, grâce à un rapport d'expertise, ont prouvé que l'infection ayant provoqué la mort du patient avait bien un caractère nosocomial. Ils ont donc rempli la charge qui leur incombait. Seulement, normalement, ils doivent aussi prouver le lien de causalité entre le dommage et la faute contractuelle de l'auteur de ce dommage. Pourtant, nous sommes ici en présence de deux auteurs possibles et distincts... A qui incombe alors la charge de la preuve du lien de causalité ? (...)
[...] Elle opère un renversement de la charge de la preuve. Plus largement, on peut alors voir cet arrêt comme une manifestation de volonté très nette d'assouplir la causalité juridique en présence de plusieurs auteurs possibles, mais indéterminées, de dommage corporel causé à la suite d'un acte médical ou d'un produit de santé. En effet, l'établissement d'un lien de causalité ne devient alors plus l'élément principal du litige. Ne reste à la charge de la victime que la preuve du caractère nosocomial de l'infection. [...]
[...] La Cour de cassation, le 17 juin 2010, casse et annule la décision de la Cour d'appel en inversant la charge de la preuve. Elle soumet les établissements concernés à l'obligation de prouver qu'ils ne sont pas à l'origine de l'infection. Dans un premier temps, nous étudierons les faits problématiques, soit la présence d'un dommage corporel, d'une causalité juridique, mais de deux auteurs possibles Puis, nous démontrerons que la Cour de cassation opère un réel renversement de la charge de la preuve en matière d'infection nosocomiale (II). [...]
[...] En effet, en supposant que les deux établissements soient tout deux de possibles auteurs du dommage, il leur revient, à eux seuls, de prouver leur innocence Nous sommes ainsi en présence de deux coauteurs possibles. Ces deux coauteurs se partageant la faute, ils ont une obligation in solidum. Cette expression a été forgée en responsabilité contractuelle pour signaler que chaque coauteur du dommage est tenu d'indemniser intégralement la victime sans tenir compte du partage des responsabilités. De même, en l'espèce, la présomption de causalité établie sera in solidum. Il appartiendra alors à la Cour d'appel d'Aix en Provence, devant laquelle la Cour de cassation renvoie l'affaire, de fixer les dommages-intérêts possibles. [...]
[...] Dans les faits étudiés, il était clairement impossible pour les demandeurs de prouver le lien de causalité direct entre le dommage causé à la victime et l'un, ou les deux, établissements mis en question. Devaient-ils alors être privés d'indemnisation malgré le décès de la victime suite au dommage causé? Par définition, une présomption est un jugement fondé sur des suppositions. Dans sa décision, la Cour de cassation suppose alors la présence d'un lien de causalité afin de pouvoir dédommager la victime. [...]
[...] Mais si la victime ne rapporte pas la preuve qu'elle ne présentait pas d'autres facteurs de risques, alors le centre de transfusion sanguine n'est pas responsable (Cass., Civ. 1ère juin 2002). En l'espèce, bien que les ayants cause est bien prouvé la présence d'une infection nosocomiale, ils n'ont pu apporter la preuve de lieu de contamination. Le lien de causalité entre le dommage et l'auteur du contrat n'était alors pas réel. La décision de la cour d'appel d'Aix en Provence pouvait alors paraître justifiée. [...]
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