La délimitation des masses patrimoniales caractéristiques du régime légal de communauté, bien qu'établie a priori par le législateur aux articles 1401 et suivants du Code civil, demeure un « sujet inépuisable de contentieux » tel que le précise le doyen Simler (JCP G, 2010, 1220 n°11) à propos du sort des indemnités perçues par un époux commun en biens. Face au silence du législateur quant à la nature des gains et salaires, dans un arrêt en date du 26 septembre 2007, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a consacré la primauté de l'objet de l'indemnité perçue par un époux dans la détermination de sa nature propre ou commune en procédant à une distinction caractérisée entre celle portant réparation d'un dommage corporel ou moral qualifiée de bien propre par nature et celle destinée à compenser une perte de revenus entrant en communauté dans la mesure où ces derniers auraient dû être perçus pendant la durée du régime.
En l'espèce, un époux, marié sous le régime de communauté légale réduite aux acquêts, a reçu, suite à l'accident de circulation dont il a été victime le 3 août 1984, des indemnités versées, d'une part au titre de son incapacité temporaire totale et partielle de travail, et d'autre part dans le cadre de contrats d'assurance « perte de profession » et «invalidité ». Par ailleurs, ce dernier, ayant intenté une action en justice à l'encontre du responsable de son accident afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice professionnel qui en découle, a vu ses prétentions accueillies de telle sorte qu'une indemnité définitive lui a été allouée par les juges qui déterminent son montant à la date de consolidation de son état de santé soit le 5 avril 1989. Lors de la liquidation et du partage de la communauté résultant de son divorce dont le prononcé a opéré une rétroactivité de ses effets au jour de l'assignation soit le 21 octobre 1986, son ex-épouse soutient que l'ensemble des indemnités relatives à l'accident de ce dernier tombe en communauté, notamment celles versées après la dissolution de la communauté, et ce en leur qualité d'acquêts. (...)
Plan
Introduction
I) L'indemnité réparatrice : un bien indéniablement propre par nature
A. Un objet fondamental : la réparation d'un préjudice personnel
B. La communauté oubliée : une récompense écartée
II) L'indemnité compensatrice : un bien commun a fortiori lié au régime
A. Un objet primordial : la substitution d'une perte de revenus
B. La communauté considérée : une existence exigée déterminante
[...] Les gains et salaires des époux en leur qualité de produits de l'industrie personnelle de ces derniers, font partie intégrante de la communauté au regard d'une jurisprudence constante en la matière qui reconnaît une nature identique aux substituts de rémunération (Cass. Civ.1ère 8 février 1978 ; Bull civ. I n°53). C'est ainsi que les juges du fonds approuvés par la Cour de cassation et non contestés par la demanderesse au pourvoir, reconnaissent en l'espèce à la lumière de leurs observations passées (Cass Civ. 1Ère 23 octobre 1990 ; Bull civ. [...]
[...] Ainsi, la perte de revenus de l'époux pendant cette période a bel et bien une origine dans l'activité antérieure à la dissolution du régime matrimonial de telle sorte qu'indifféremment de sa perception, la somme destinée à compenser une telle carence pourrait revêtir un caractère commun si l'on effectue un raisonnement a fortiori par rapport à la décision de 1993 relative aux produits de l'industrie personnelle d'un époux, au profit des substituts de cette industrie. [...]
[...] 1Ère 5 avril 2005; Bull civ. n°164). Alors, qu'ils soient fixés judiciairement ou prévus contractuellement de tels substituts tombent dans la masse commune à travers un raisonnement a fortiori calqué sur le procédé de subrogation en vertu duquel le bien compensant de la perte du bien commun soit le revenu revêt la même qualification que celui- ci. De telles considérations mènent à envisager l'indemnité compensatrice via une analogie certaine en faisant primer leur finalité première que demeure la neutralisation de l'accident sur la collecte de revenus. [...]
[...] Tout d'abord, en précisant que les indemnités réparant un dommage corporel ou moral constituent des biens propres par nature les conseillers de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation procèdent à une interprétation exégétique de l'Article 1404 du Code civil dont la lettre vise précisément les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral Il apparaît néanmoins au regard de la finalité même de cette disposition, que l'esprit porte intégration du produit de l'action en qualité de bien propre par nature. [...]
[...] L'absence de droit à récompense repose en effet sur l'affectation des produits de l'assurance à l'un des époux, qu'il soit à la fois souscripteur-bénéficiaire ou uniquement bénéficiaire, dans la mesure où seul un tiers est susceptible d'entraver la logique communautaire. Ainsi, la défenderesse soutenant à titre de moyen au pourvoi que les primes des assurances souscrites par son ex-époux avaient fait l'objet d'un règlement avec les deniers de la communauté se trouve défaillante dans sa démonstration tant l'objet même de l'indemnité dont elle souhaite l'intégration en communauté apparaît fondamental aux yeux des Hauts magistrats. [...]
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