Depuis l'arrêt dit du Canal de Craponne de 1876, la Cour de cassation interdit de façon constante la révision d'une convention pour imprévision. Cet aspect de l'intangibilité des conventions apparaît à certains dépassé au regard d'une conception renouvelée du contrat qui autorise les interventions judiciaires concernant l'équilibre initial d'une convention : si l'intangibilité des conventions a cessé d'être une règle d'airain, pourquoi ne pas revenir sur la solution Canal de Craponne et admettre la révision pour imprévision ? C'est la question que suscite à nouveau l'arrêt rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation, le 16 mars 2004.
En 1974, une convention est formée entre une commune et une association. Son objet est de concéder l'exploitation d'un restaurant à caractère social et d'entreprises. Les parties à la convention initiale s'accordent ultérieurement pour que cette exploitation soit sous-concédée à une société. Aux termes d'un accord tripartite de sous-concession, la société s'engage au paiement d'un loyer au profit de l'association et d'une redevance à la commune. En contrepartie, l'association et la commune s'engagent notamment à d'importants investissements. Mais, cinq années après, la société, invoquant son "impossibilité économique de poursuivre l'exploitation", résilie unilatéralement la convention de sous-concession. Malgré les pressions judiciaires de ses cocontractants, la société cesse peu après toute activité. Ainsi naît un litige, qui peine tout d'abord à trouver son juge, administratif ou judiciaire. Après que le Tribunal des conflits a retenu la compétence du juge judiciaire, ce dernier condamne la société à payer les sommes qu'elle devait à ses cocontractants en vertu de la convention et à les indemniser des conséquences de sa rupture unilatérale fautive. A priori, le juge judiciaire du fond n'a fait qu'appliquer la force obligatoire des conventions et la responsabilité contractuelle. Néanmoins, la société élève un pourvoi en cassation qui semble critiquer un raisonnement que les juges du fond n'ont pas tenu. Un premier moyen leur reproche, en effet, d'avoir méconnu l'exigence de bonne foi dans l'exécution des conventions, les parties étant, selon le demandeur au pourvoi, tenues de veiller à ce que l'économie générale d'une convention ne soit pas manifestement déséquilibrée (...)
[...] S'il est acquis que cet arrêt n'entend pas faire de la lésion une cause générale de révision des conventions nées déséquilibrées, la discussion peut donc s'ouvrir, s'agissant de l'admission par la première Chambre civile d'une éventuelle obligation de renégocier en cas d'imprévision, lors même qu'elle était étrangère à la décision entreprise. Ainsi, les paradoxes de cet arrêt se révèlent : il écarte sans équivoque le rétablissement de l'équilibre initial d'un contrat tranchant avec l'évolution qu'enregistre sur ce point le droit positif. [...]
[...] Comment, dans ce cadre, l'arrêt du 16 mars 2004 peut-il trouver sa place ? En l'espèce, la société concessionnaire entendait remettre en cause la rentabilité d'une convention, ce qui conduit a priori à rapprocher l'arrêt commenté de la décision de la première chambre civile du 3 juillet 1996 Point club vidéo Cependant, dans l'arrêt de 1996, la Cour avait à connaître d'un contrat innommé, et la cause de l'obligation du demandeur à la nullité, après interprétation rendue nécessaire par le caractère atypique de ce contrat, intégrait effectivement la rentabilité de l'opération envisagée; or, en 2004, il s'agit d'un contrat de concession, nommé, typique; la rentabilité, voire a minima la seule viabilité de ce contrat, ne représentait qu'un motif, nécessairement propre et personnel au sous-concédé, en cela étranger à la cause de son obligation, cause objective. [...]
[...] Depuis l'arrêt dit du Canal de Craponne de 1876, la Cour de cassation interdit de façon constante la révision d'une convention pour imprévision. Cet aspect de l'intangibilité des conventions apparaît à certains dépassé au regard d'une conception renouvelée du contrat qui autorise les interventions judiciaires concernant l'équilibre initial d'une convention : si l'intangibilité des conventions a cessé d'être une règle d'airain, pourquoi ne pas revenir sur la solution Canal de Craponne et admettre la révision pour imprévision ? C'est la question que suscite à nouveau l'arrêt rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation, le 16 mars 2004. [...]
[...] Son objet est de concéder l'exploitation d'un restaurant à caractère social et d'entreprises. Les parties à la convention initiale s'accordent ultérieurement pour que cette exploitation soit sous-concédée à une société. Aux termes d'un accord tripartite de sous-concession, la société s'engage au paiement d'un loyer au profit de l'association et d'une redevance à la commune. En contrepartie, l'association et la commune s'engagent notamment à d'importants investissements. Mais, cinq années après, la société, invoquant son "impossibilité économique de poursuivre l'exploitation", résilie unilatéralement la convention de sous-concession. [...]
[...] A supposer même que la première Chambre civile ouvre la voie à l'obligation de renégocier, elle ne pourrait être qu'une obligation de moyens; aucun résultat n'est donc assuré de ce seul fait; la renégociation éventuellement envisagée n'est jamais que l'obligation d'adresser une offre de modifier la convention en cours à son partenaire, lequel n'est aucunement tenu de l'accepter Que faudra-t-il décider en cas d'échec de la renégociation ? Faudrait-il admettre la résiliation unilatérale, comme s'en prévalait ici (mais vraiment à ses risques et périls) le sous-concédé ? La résiliation judiciaire ? A quelle date ? Celle de la modification intervenue ou celle de l'échec de la renégociation ? [...]
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