La loi SRU instituant le droit au logement décent met-elle en place un véritable droit subjectif ? Le sujet semble rappeler le droit au logement « opposable » d'actualité depuis 2007. Mais la Cour de cassation a eu à se prononcer sur le sujet bien avant cette date, en témoigne cet arrêt rendu par sa Troisième Chambre civile le 15 décembre 2004.
La commune d'Amiens, par le biais de l'Office public d'aménagement et de construction d'Amiens, donne à bail en 1983 un appartement à usage d'habitation, par un contrat soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948. Le local d'habitation en question n'est pas approvisionné en eau courante, ce dont la locataire avait été informée. La preneuse a néanmoins assigné la commune aux fins de la voir condamner à remplir son obligation de délivrance, en effectuant les travaux nécessaires à l'approvisionnement des lieux en eau courante.
La preneuse a été déboutée de sa demande par la Cour d'appel aux motifs que le loyer du logement de catégorie 4 qu'elle occupait a été déterminé en fonction de ce classement, qu'elle avait été informée que l'installation postérieure de l'eau courante serait impossible et que le bailleur lui avait fait une proposition de relogement qu'elle n'avait pas accepté.
La cour de cassation n'approuve pas ce raisonnement en cassant cette solution par un principe général donné au visa de l'article 1719-1 du Code civil: « l'exigence de la délivrance au preneur d'un logement décent impose son alimentation en eau courante ».
La question posée au juge était donc simple: l'obligation de délivrer un logement décent à la charge du bailleur d'un local à usage d'habitation comprend-elle l'obligation d'approvisionner ledit local en eau courante?
Les juges de cassation ont acquiescé d'une manière à la fois générale et précise (I), ce qui laisse croire, après une analyse plus globale dudit arrêt, à l'existence d'un véritable droit subjectif au logement décent, qui plus est « opposable » en justice (II). (...)
[...] Mais il n'en demeure pas moins que l'arrêt rendu par la cour de cassation constitue les prémices de la loi DALO. Il convient néanmoins de nuancer le propos. L'arrêt rendu par la Troisième Chambre civile permet certes d'agir en justice au nom d'un droit à un logement décent, mais il suppose que le demandeur en justice soit déjà preneur à bail d'un logement. Les juges de cassation ne répondent donc pas par cette solution juridique à un besoin social incontestable : celui de loger tout le monde. [...]
[...] ) de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent La formulation ne pouvait être plus claire. Elle s'établit néanmoins en 2 temps. Tout d'abord, la cour de cassation rappelle le principe général de l'obligation de délivrance appliqué au bail, en énonçant que le propriétaire est tenu de délivrer au locataire le local objet du bail. Ensuite, tout en précisant que la disposition qui va suivre ne s'applique qu'aux habitations principales ce qui ne va pas sans rappeler l'arrêt rendu par la même formation le 11 octobre 1989 déclarant la loi du 22 juin 1982 inapplicable aux résidences secondaires, la cour de cassation qualifie ce qui doit être délivré : un logement décent. [...]
[...] Encore une fois, on ne peut reprocher à la Cour de cassation une quelconque ambiguïté dans le choix des termes: l'exigence de la délivrance au preneur d'un logement décent impose son alimentation en eau courante Une solution à la portée de n'importe quel novice en droit. Cette précision sur le caractère décent du logement est bienvenue en ce sens que, bien qu'elle aille de soi, situe la décence dans le milieu juridique. On peut facilement conclure de cette solution qu'un logement est décent lorsqu'il apporte les garanties fondamentales et nécessaires en matière notamment d'hygiène et de sécurité. [...]
[...] En l'espèce, l'exemple est frappant: comment peut-on, à la veille de l'an 2000, admettre qu'un bailleur ne mette pas à disposition un local alimenté en eau courante à une personne locataire? En tous cas certainement pas en se prévalant d'un loyer particulièrement bas ou d'une proposition de relogement refusée, comme l'admettait pourtant la cour d'appel ainsi, et justement, censurée. Le fait d'imposer au bailleur une obligation non prévue au contrat est incontestablement la marque de la naissance d'un droit subjectif acquis aux mains du preneur B. Vers une patrimonialisation du droit au logement décent Le droit au logement opposable n'a jamais été autant d'actualité. Qu'est ce qu'un droit opposable? [...]
[...] En apportant ces deux précisions, la solution de la Cour de cassation semble ouvrir une porte déjà entrouverte par les politiques : le droit au logement opposable (II). II. Une décision laissant croire à un nouveau droit subjectif Le fait que les dispositions du Code civil issues de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (ci-après SRU) et instituant le droit au logement décent soient d'ordre public laisse penser que la jurisprudence a véritablement voulu faire du droit au logement décent un droit subjectif ancré dans le patrimoine de son bénéficiaire A. [...]
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