Sortis de la masse des salariés, exposés aux sanctions plus que les autres, car leur mission inquiète l'employeur, les représentants du personnel doivent être protégés contre les mesures susceptibles d'affecter leur emploi, dans leur intérêt personnel, mais surtout dans celui des institutions représentatives et de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent.
En effet, leur mission les conduit notamment à circuler dans l'entreprise afin de rendre compte au personnel de l'illégitimité supposée d'une mesure patronale. Souvent leaders des conflits collectifs, ils prennent donc des risques importants en terme de carrière, en terme financier, mais surtout en raison du risque d'éviction de la part d'un employeur qui supporterait mal ce contradicteur institué par le législateur.
Ainsi, il convenait de construire une protection efficace pour ces salariés en matière de licenciement, le droit commun de la cessation du contrat de travail et notamment le droit de résiliation unilatérale de l'employeur se trouve donc écarté et apparaît l'idée d'un statut légal protecteur, l'inspecteur du travail en étant le pivot.
Dans cet arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 14 juin 1972, Dal Poz était salarié de la Société comptoir des revêtements Revêt-Sol et avait la double qualité de délégué du personnel et de délégué syndical. Toutefois, son employeur décida de le licencier malgré le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail.
Le salarié fit le choix d'agir contre la société afin que soit prononcée sa réintégration et en conséquence, que l'exécution de son contrat de travail se poursuive.
Après s'être déclaré compétent, le juge de première instance fit droit à sa demande et prononça - sous astreinte - sa réintégration provisoire.
Suite à ce jugement, la société interjeta appel, mais la juridiction de second degré statuant en référé rejeta sa demande. Suivant le premier juge, elle ordonna la réintégration du salarié dans son emploi.
La société Revêt-Sol forma donc un pourvoi en cassation donnant lieu à cet arrêt publié au bulletin.
L'employeur appuie sa demande avec plusieurs moyens et en premier lieu, il allègue une exception d'incompétence de la juridiction prud'homale, car selon le demandeur elle ne pourrait pas ordonner la réintégration du salarié licencié. La société fait également valoir qu'aucune disposition légale n'impose la réintégration d'un délégué syndical irrégulièrement licencié et que la possibilité de licencier des salariés est un droit légalement reconnu à l'employeur (...)
[...] Les juges avaient donc pu estimer urgent de faire cesser de trouble et ordonner par une mesure provisoire, une remise en l'état. De plus, comme ce fut le cas en l'espèce, il offre aussi la possibilité aux juges d'utiliser le procédé de l'astreinte afin d'obtenir de l'employeur l'exécution de ses obligations, cela suffit généralement à le convaincre de proposer rapidement au salarié de reprendre son travail, au même poste. Sur ce point, la Cour poursuit et confirme la voie qu'elle semblait emprunter quelques années plus tôt puisqu'elle avait déjà eu recours à cette notion de voie de fait, dès lors que l'employeur se refusait à réintégrer un salarié (chambre mixte octobre 1968). [...]
[...] L'application de cette disposition était assez contestable puisque l'interprétation qui en était faite par la Cour de cassation semble fausse, l'article 1142 n'ayant jamais eu cette portée et l'article 1134 alinéa 1 du Code civil posant également le principe de la force obligatoire du contrat. De plus, la lecture qui en était faite s'opposait à celle adoptée dans les autres branches du droit, le droit commun des obligations n'accordait plus qu'un sens limité à cette disposition. Mais en pratique, on peut penser que la Cour de cassation craignait que la réintégration ne soit une remise trop importante des pouvoirs du chef d'entreprise. [...]
[...] La relation de travail doit donc se poursuivre de plein droit et en application de l'article 1134 du Code civil, l'employeur doit exécuter le contrat de travail, en particulier mettre à la disposition du salarié l'emploi pour lequel il a été embauché : l'employeur est tenu de réintégrer le salarié. La réintégration du salarié sera ultérieurement ordonnée au fond est ces solutions maintenues de manière constante par la jurisprudence (Cass. Soc mai 1979, Cass. Soc mars 1993). [...]
[...] La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision rendue par la Cour d'appel. Elle affirme préalablement que lorsqu'un salarié protégé a demandé au juge des référés sa réintégration provisoire, après un licenciement prononcé malgré le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et que le juge a fait droit à cette demande après s'être déclaré compétente, la Cour d'appel qui a plénitude de juridiction en matière tant civile que prud'homale doit statuer sur le litige dont elle est saisie, que le juge des référés ait été ou non compétemment saisi. [...]
[...] Nous allons maintenant remarquer que cet arrêt est également l'épilogue des dernières réticences que pouvait encore avoir la jurisprudence, à propos des conséquences du licenciement irrégulier d'un salarié protégé. II La fin des dernières réticences jurisprudentielles relatives aux conséquences du licenciement irrégulier d'un salarié protégé. La question de savoir s'il fallait prononcer la réintégration du salarié ou se contenter de lui allouer des dommages et intérêts a été longtemps débattue, et c'est à ce propos que cet arrêt a une importance majeure Pour se faire, la haute cour a abandonné le principe de dédommagement en cas d'inexécution d'une obligation de faire A La consécration de la possibilité de réintégrer. [...]
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