Le droit positif a eu à résoudre, depuis quelques années, la difficile question de l'indemnisation des préjudices liés à la naissance d'un enfant. Notamment en ce qui concerne l'erreur d'un médecin ou d'un échographe n'ayant pas diagnostiqué in utero une pathologie dont l'enfant était naturellement atteint, et dont la découverte aurait pu conduire la mère à interrompre sa grossesse. De tels problèmes intéressent l'éthique et posent la difficile question de la légitimité de ces préjudices et de leur prise en compte par le droit.
Moins d'un an après le fameux arrêt Perruche, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière a de nouveau dû, par trois arrêts du 13 juillet 2001, se prononcer sur la réparation du préjudice des enfants nés handicapés à la suite de fautes médicales.
Dans les trois affaires, les faits sont assez similaires. Dans une première espèce, l'enfant est né atteint d'un spina bifida entraînant de multiples complications comme une paraplégie des membres inférieurs. Dans une seconde espèce, l'enfant est né sans bras gauche et avec un bras droit réduit de moitié et dépourvu de main. Enfin, dans une troisième espèce, l'enfant est né avec une malformation importante du membre supérieur droit qui n'a pas été décelée par le médecin gynécologue alors que le deuxième enfant de la mère était atteint d'une malformation similaire. Elle avait d'ailleurs indiqué au médecin que si le foetus était malformé, elle comptait recourir à une IVG.
Ainsi, dans ces trois affaires, des médecins gynécologues ont commis des fautes en ayant mal interprété ou pratiqué des échographies réalisées au delà du délai de la dixième semaine de grossesse de sorte que seule une interruption de grossesse pour motif thérapeutique puisse être envisagée. De plus, ils n'ont pas informé les mères des anomalies décelables dont étaient atteints les foetus.
Dans les trois espèces, les parents ont engagé une action en réparation de leur préjudice personnel ainsi que de celui de leur enfant né handicapé suite à une faute du professionnel de santé et à un manque d'informations (...)
[...] Comme en matière d'homicide involontaire du fœtus, les juridictions du fond françaises ont longtemps résisté aux positions étrangères avant de s'y plier. Il est vrai que la Cour de cassation a la fâcheuse tendance de ne pas s'inspirer du droit comparé. Néanmoins, comme le souligne Hauser, "en quelques mois la plus haute juridiction nous aura délivré deux messages complémentaires : est puni civilement celui par la faute duquel le fœtus est arrivé à la vie et n'est pas puni pénalement celui par la faute duquel il est arrivé à la mort". [...]
[...] En effet, les trois arrêts vont plus loin que l'arrêt Perruche et expriment la nécessité d'une causalité directe du préjudice subi par l'enfant avec les fautes commises. Concernant la réparation du préjudice de l'enfant, il n'y a pas de causalité du tout, l'handicap étant préexistant à la faute du médecin, il n'était pas guérissable : "on peut alors dire que sans la faute des médecins, il n'y aurait pas eu de handicap ; mais c'est parce qu'il n'y aurait plus eu d'enfants". [...]
[...] La réparation du préjudice des parents du fait de la faute du médecin Dans les trois espèces, la faute des médecins est indéniable. La Cour relève que les fautes commises l'ont été dans l'exécution du contrat liant la mère des enfants et le médecin. Les fautes consistant dès lors à empêcher la mère d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse. De même, la faute de nature délictuelle ne pouvait être contestée ici car le médecin, à travers ce contrat, est titulaire d'une obligation d'information envers la mère, qui en est bénéficiaire. [...]
[...] Les trois pourvois dont a été saisie la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière étaient unanimes et posaient la même question ; à savoir s'il est possible de condamner les fautes d'un médecin dans la surveillance de la grossesse ayant interdit à la mère de l'enfant de recourir à l'interruption de la grossesse et ainsi d'indemniser le préjudice de l'enfant né handicapé au titre de la responsabilité civile. Successivement, la Cour suprême confirme les décisions rendues en première instance et rejette ainsi les demandes en réparation des préjudices subis par les enfants formées en leur nom par leurs parents suite à l'absence de lien de causalité entre les fautes médicales et l'handicap des enfants. [...]
[...] Sur ce point, l'avocat général Sainte Rose utilise des propos juridiquement imparables : "en gardant une vie, qui entraîne d'inévitables souffrances, l'enfant n'a rien perdu". Ainsi, l'existence du préjudice de l'enfant au sens de l'article 1382 du Code civil est contestable. En effet, pour qu'il y ait préjudice, la victime doit établir qu'elle a perdu quelque chose en raison du fait imputé au responsable. En l'espèce, il apparaît incongru de supposer que l'intérêt lésé de l'enfant serait d'avoir été privé, en raison de la faute du médecin, du droit de ne pas naître. [...]
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