L'erreur, cause de nullité du contrat, a été entendue de manière stricte par la jurisprudence, dans le souci de ne pas fragiliser les contrats. Or, il semblerait que cette jurisprudence connaisse un infléchissement, notamment s'agissant de l'erreur portant sur l'authenticité d'une oeuvre d'art, comme en témoigne l'arrêt rapporté.
Les faits, en l'espèce, sont les suivants : la société Drina Investment s'était rendue acquéreur d'un pastel présenté au catalogue comme étant une oeuvre du peintre Mary Cassatt. Quelques mois plus tard, le comité Mary Cassatt alertait l'acquéreur du possible défaut d'authenticité de cette oeuvre.
La société Drina intenta une action en nullité de la vente fondée sur l'erreur. Elle fut déboutée par la juridiction du premier degré et interjeta appel. La Cour d'appel de Paris rendit un arrêt confirmatif, le 17 octobre 1995. La société Drina forma un pourvoi en cassation. La juridiction suprême cassa l'arrêt rendu par la Cour d'appel, le 13 janvier 1998.
Selon le pourvoi, le doute sur l'authenticité de l'oeuvre d'art constitue un motif de nullité du contrat pour erreur sur les qualités substantielles.
Selon la Cour d'appel, les doutes portant sur l'authenticité de l'oeuvre d'art ne permettent pas d'apporter la preuve d'une erreur sur son authenticité.
La question de droit qui se posait donc en l'espèce est : le doute qui affecte l'authenticité d'une oeuvre d'art et qui surgit postérieurement à une vente peut-il justifier l'annulation de ce contrat sur le fondement de l'erreur ?
A cette question, la Cour de cassation a apporté une réponse positive : il faut rechercher, au moment de la vente quelle était la conviction du requérant. L'erreur peut alors être constituée par une discordance entre la croyance de l'errans et une réalité même incertaine (...)
[...] La confusion des deux critères opérée par la Cour et qui facilite l'action de l'errans, s'explique par les circonstances d'espèce. En effet, d'une part, il est très difficile d'attribuer avec certitude une œuvre à son auteur. D'autre part, il s'agissait, dans cette affaire, d'une vente aux enchères, avec certification d'expert. Les acquéreurs étaient donc présumés être convaincus de l'authenticité des œuvres répertoriées au catalogue puisque ces certifications émanaient d'un expert. Avant cet arrêt, la Cour de cassation avait décidé, dans deux arrêts rendus le 29 juin 1992 et le 25 février 1994, qu' en matière de ventes publiques d'œuvres d'art sur catalogue contenant certification d'expert, l'attribution de l'œuvre constitue, tant pour le vendeur que pour l'acheteur, une qualité substantielle de la chose vendue Il ne faut donc pas conclure, de manière trop hâtive, que la volonté de la Cour est d'ouvrir, par cet arrêt, les recours en nullité pour erreur. [...]
[...] La juridiction suprême cassa l'arrêt rendu par la Cour d'appel, le 13 janvier 1998. Selon le pourvoi, le doute sur l'authenticité de l'œuvre d'art constitue un motif de nullité du contrat pour erreur sur les qualités substantielles. Selon la Cour d'appel, les doutes portant sur l'authenticité de l'œuvre d'art ne permettent pas d'apporter la preuve d'une erreur sur son authenticité. La question de droit qui se posait donc en l'espèce est: le doute qui affecte l'authenticité d'une œuvre d'art et qui surgit postérieurement à une vente peut-il justifier l'annulation de ce contrat sur le fondement de l'erreur? [...]
[...] Dans cette appréciation des qualités substantielles, il existe deux approches : - in abstracto, la qualité substantielle est celle généralement recherchée dans un contrat donné. Ainsi, la jurisprudence a admis que l'authenticité d'une œuvre d'art était en général la qualité substantielle recherchée par l'acquéreur. - in concreto, la qualité substantielle est ce que l'errans avait personnellement en vue lorsqu'il a passé le contrat. S'agissant de motifs psychologiques, il appartient alors à l'errans d'en rapporter la preuve et de prouver également que le cocontractant en était informé, que ce motif était entré dans le champ contractuel”. [...]
[...] 1re janvier 1998 (pourvoi 11.881 ) [L'erreur sur l'authenticité d'une œuvre d'art] Introduction. L'erreur, cause de nullité du contrat, a été entendue de manière stricte par la jurisprudence, dans le souci de ne pas fragiliser les contrats. Or, il semblerait que cette jurisprudence connaisse un infléchissement, notamment s'agissant de l'erreur portant sur l'authenticité d'une œuvre d'art, comme en témoigne l'arrêt rapporté. Les faits, en l'espèce, sont les suivants : la société Drina Investment s'était rendue acquéreur d'un pastel présenté au catalogue comme étant une œuvre du peintre Mary Cassatt. [...]
[...] Cependant, cette interprétation n'a pas été suivie par la Cour de cassation qui a confirmé la jurisprudence qu'elle avait développée dans l'affaire du Poussin du 22 février 1978 : en s'attachant à la seule conviction de l'errans au moment de la conclusion du contrat, elle a admis l'annulation de la vente pour erreur, en cas de doute sur l'attribution de l'œuvre survenu après la conclusion du contrat. En réalité, il s'agit d'une confusion entre l'objet de l'erreur, la qualité substantielle, et l'effet de l'erreur, son caractère déterminant. II. Le caractère déterminant de l'erreur. Le caractère déterminant de l'erreur est la cause impulsive et déterminante qui a poussé le contractant à s'engager, sans cette erreur, il ne se serait pas engagé. En l'espèce, c'est bien la conviction portant sur l'authenticité de l'œuvre qui a poussé la société Drina à s'engager. [...]
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