« En mariage, trompe qui peut », l'arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 13 décembre 2005 est l'illustration moderne de l'adage de Loysel. Juste après son mariage, l'épouse découvre que son mari entretenait une relation avec une femme mariée avant la célébration de son union. Par conséquent, la jeune mariée demande l'annulation de son mariage pour erreur sur les qualités substantielles de son époux. Elle n'est pas entendue par les juges du fond et se pourvoit en cassation contre la décision de la cour d'appel de Paris du 20 décembre 2001.
L'interprétation de l'article 180 du Code civil sur la notion d'erreur sur les qualités substantielles de la personne de l'un des époux revient régulièrement sous les feux de l'actualité. Après cette décision de 2005 qui se fonde sur la double approche objective et subjective pour apprécier l'erreur sur les qualités substantielles de l'un des époux, un arrêt de la Cour d'appel de Douai du 17 novembre 2008 a repris cette distinction pour l'appliquer à l'erreur du mari sur la virginité de son épouse. La question porte sur l'appréciation de la tromperie du mensonge de l'époux qui a caché une liaison adultérine antérieur à son mariage et dont rien ne prouve qu'elle se poursuivre une fois le mariage célébré. Ce mensonge est-il déterminant ou pas du consentement de l'épouse trompée, profondément religieuse, justifiant sa demande d'annulation du mariage ?
Dans son pourvoi, l'épouse bafouée insistait sur ses convictions religieuses et sur le caractère déterminant de l'erreur provoquée par le mensonge de son mari sur son consentement tant au regard de l'existence de la liaison qu'au regard de l'absence des qualités de fidélité et de loyauté de son mari. La Cour de cassation rejette le pourvoi estimant d'une part que la cour d'appel a donné une base légale à sa décision en constatant qu'il n'est pas établi que la relation adultère se poursuive après le mariage et d'autre part, que par une appréciation souveraine des juges du fond, la Cour d'appel a considéré que les convictions religieuses de l'épouse demanderesse « ne permettaient pas d'établir que celle-ci n'aurait pas contracté mariage si elle avait eu connaissance de cette liaison passée de son mari dans la mesure ou les aspirations de M. X. à une union durable n'étaient nullement mises à mal par cette circonstance ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision » (...)
[...] La seule révélation d'une liaison adultère avant le mariage pouvait, subjectivement, affecter de manière déterminante le consentement de l'épouse. Toutefois, en droit, pas d'obligation de fidélité sans mariage Loysel avait décidément raison. [...]
[...] L'introduction en 1975 de la faculté de demander l'annulation du mariage pour erreur sur les qualités substantielles de la personne n'a pas pour effet de nier la dimension sociale du mariage. L'erreur sur les qualités essentielles doit être sociologiquement déterminante pour reprendre l'expression de la doctrine. Par suite, le contrôle de la réalité de l'erreur présente une dimension d'ordre public dans la décision commentée elle apparaît à travers la référence à l'état actuel de l'évolution des mœurs et à travers le constat qu'une liaison antérieure au mariage ne remet pas en cause une union durable La dimension d'ordre public du contrôle de l'erreur: La Cour de cassation par sa décision de rejet s'inscrit dans la droite ligne de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris rendu en 2001. [...]
[...] Peu importe, la condition sociale de l'erreur sur les qualités essentielles n'était pas vérifiée. Elle ne l'est pas davantage dans l'arrêt commenté qui sert de référence aux juges de la Cour d'appel de Douai dans leur décision de 2008. Le mensonge et l'état actuel des mœurs: L'erreur doit donc être déterminante du point de vue social. La Cour de cassation par sa décision de rejet accepte implicitement l'approche de la Cour d'appel de Paris qui précise que en l'état actuel des mœurs la liaison durable du mari avant son mariage n'est pas déterminante du consentement. [...]
[...] II- L'approche subjective: le caractère déterminant de l'erreur: Si l'erreur doit être socialement essentielle, elle doit également être déterminante du consentement. En l'espèce, cette dernière condition est vérifiée quant au fond en prenant en considération les convictions religieuses de l'épouse et quant à la preuve de la continuation de la liaison adultère après la célébration du mariage. Le mensonge et les convictions religieuses: La Cour d'appel suivie par la Cour de cassation sur le principe de l'appréciation souveraine prend en considération les convictions religieuses de l'épouse. [...]
[...] L'approche sociale des qualités substantielles de la personne conduit à écarter le caractère objectif de l'erreur. L'évolution des mœurs interdit de voir dans une infidélité antérieure au mariage une cause de nullité de ce dernier. La solution s'impose d'autant plus que la Cour d'appel a légalement justifié sa solution, car elle constate qu'il n'est pas démontré que le mari ait eu l'intention de poursuivre cette relation après son mariage. Ainsi, objectivement, cacher à son épouse l'existence de cette relation antérieure ne constitue par une tromperie sur ses qualités essentielles. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture