« Peut-on considérer que naître infirme constitue un préjudice ? » C'est ainsi que Yan Thomas, dans son ouvrage intitulé Du droit de ne pas naître, énonce la problématique de fond d'une affaire devenue célèbre, l'affaire Perruche. L'affaire Perruche a commencé en 1989 et s'est achevée le 17 novembre 2000. Au terme d'une lutte juridique pleine de rebondissements (Tribunal de grande instance d'Evry, Cour d'Appel de Paris, première Chambre Civile, Cour d'appel d'Orléans), la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière a donné satisfaction aux Perruche. «Dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme Perruche avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues. » Cet arrêt Perruche a provoqué un grand émoi dans l'opinion publique qui, à grand renfort de coups médiatiques, a accusé la Cour de cassation d'avoir fait de la vie humaine d'un handicapé un préjudice réparable offrant ainsi une dangereuse ouverture à un eugénisme de sinistre mémoire.
Si l'on définit le préjudice comme la privation d'un bien dû, alors on peut effectivement se demander quel est le bien dont a été injustement privé l'enfant né handicapé. Comme l'expose Alain Sériaux, professeur à la Faculté de droit de Saint-Maur, « avant de venir au monde, l'enfant ne possédait rien ; qu'a-t-il donc perdu ? La chimère d'une vie heureuse ? » Où est l'injustice à réparer ? Qui est le responsable ? En un mot, existe-t-il un droit à ne pas naître infirme, et donc la possibilité de demander une réparation en cas de violation de ce droit ?
[...] En effet, ce n'est pas le lien entre les fautes médicales et le handicap qu'il faut examiner, puisqu'il est indiscutable que ce lien n'existe pas, mais le lien entre les fautes médicales et les conséquences matérielles et morales du handicap. Autrement dit, ce n'est pas à cause de l'erreur du médecin que l'enfant est handicapé, mais c'est à cause de cette erreur qu'il souffre de son handicap. Le lien de causalité ici établi n'est pas scientifique le médecin n'est pas directement cause du handicap- mais juridique : le médecin a une responsabilité qui lui est imputable, car s'il avait mieux informé la mère, l'enfant ne serait pas né et donc n'aurait pas souffert de son handicap. [...]
[...] L'Affaire Perruche Peut-on considérer que naître infirme constitue un préjudice ? C'est ainsi que Yan Thomas, dans son ouvrage intitulé Du droit de ne pas naître, énonce la problématique de fond d'une affaire devenue célèbre, l'affaire Perruche. L'affaire Perruche a commencé en 1989 et s'est achevée le 17 novembre 2000. Au terme d'une lutte juridique pleine de rebondissements (Tribunal de grande instance d'Evry, Cour d'Appel de Paris, première Chambre Civile, Cour d'appel d'Orléans), la Cour de Cassation réunie en Assemblée plénière a donné satisfaction aux Perruche. [...]
[...] Sauf que la Cour de renvoi d'Orléans, qui normalement aurait dû aller dans le sens suggéré par la Cour de cassation, a rendu un arrêt de rébellion selon l'expression de Jerry Sainte-Rose en concluant que l'enfant ne subit pas de préjudices indemnisables en relation de causalité avec les fautes commises par les praticiens En d'autres termes, puisqu'à l'évidence ce n'est pas l'erreur médicale qui a causé la rubéole, et que ce n'est pas non plus cette erreur qui a provoqué le handicap, la Cour d'Orléans a estimé que Nicolas ne pouvait pas demander réparation. Réunie en 2000 en Assemblée plénière, la Cour de cassation va apporter une réponse définitive à la question et décider si, oui ou non, Nicolas Perruche a droit à une indemnisation. Au-delà de la problématique dans les faits, va se poser une problématique théorique : la Justice peut-elle recevoir une action dite de vie préjudiciable ? [...]
[...] De plus, les effets de la loi anti-Perruche ont en quelque sorte été eux aussi neutralisés par deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme le 6 octobre 2005 dans les affaires Maurice et Draon. La CEDH s'est ainsi fondée sur l'article 1er du protocole numéro 1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui accorde à toute personne physique ou morale le «droit au respect de ses biens ce qui comprend les créances, c'est-à-dire, en l'espèce, le droit d'être indemnisé pour un préjudice reconnu. [...]
[...] Au-delà de cette conséquence symbolique, on peut dire que l'arrêt Perruche a plongé le monde médical dans une situation de quasi-crise. La colère des obstétriciens a éclaté vers la fin de l'année 2001, avec l'arrivée des montants des primes d'assurances responsabilité civile professionnelle : elles passèrent de 610 euros à 4421 euros pour les médecins conventionnés, de 4420 à 9000 euros pour les médecins conventionnés à honoraires libres. Fin janvier 2002, la fédération des médecins de la naissance lança la menace d'un "arrêt total du suivi des grossesses et des accouchements à partir du 1er mars. [...]
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