La société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X et Y des négociations en vue de la cession d'actions du capital de la société Stuck. Engagés au Printemps de l'année 1997, les pourparlers ont abouti le 24 septembre de cette même année à un projet d'accord stipulant certaines conditions suspensives à réaliser avant le 31 octobre. Après de nouvelles négociations, la société Alain Manoukian a accepté des modifications de l'accord, proposant également de retarder au 15 novembre la date butoir de réalisation des conditions suspensives. Cette dernière a interprété le silence des consorts qui n'ont émis aucune observation comme un signe d'acquiescement et leur a adressé le 13 novembre un nouveau projet de cession dont la signature fut prétendument retardée selon les consorts par l'absence de l'expert-comptable. Le 24 novembre, les consorts ont fait savoir à la société Alain Manoukian qu'ils avaient consenti une promesse de cession des actions de la société Stuck à la société Les Complices 14 jours auparavant.
Par suite, la société Manoukian a exercé une action en responsabilité contre les consorts X et Y, ainsi que la société Les Complices sur la base d'une rupture fautive des pourparlers. La cour d'appel à reconnu et condamné la responsabilité des consorts X et Y mais pas celle de la société Les complices.
Les deux parties ont pourvu l'arrêt de la cour d'appel en cassation. Dans son pourvoi, la société Manoukian reproche à la cour d'appel d'avoir sous-estimé le préjudice subi, ne tenant pas compte de la perte de chance de réaliser des gains après conclusion du contrat de cession. De même, elle critique la cour d'appel sur la mise hors de cause de la société Les Complices.
Les consorts X et Y quant à eux dénigrent l'invocation et la condamnation de leurs responsabilités, estimant qu'ils n'ont pas commis d'abus dans la rupture des pourparlers.
[...] Il ne faut pas perdre de vue que tout investissement inclue une part d'aléatoire. A ce titre, seules les négociations déloyales peuvent prétendre à ce type de préjudice. Le risque d'un investissement n'existe que si la négociation est loyale. Dans le cas contraire, c'est une évidence de perte plus qu'un risque de gagner en concluant le contrat. Le postulat de la liberté contractuelle neutralise la possibilité d'une conclusion forcée du contrat en cas de rupture fautive des pourparlers. En effet, on ne peut pas envisager de donner de l'effet aux pourparlers précontractuels. [...]
[...] Les consorts X et Y quant à eux dénigrent l'invocation et la condamnation de leurs responsabilités, estimant qu'ils n'ont pas commis d'abus dans la rupture des pourparlers. Selon quels critères la rupture des pourparlers peut-elle être qualifiée de fautive ? Comment déterminer le préjudice réparable occasionné ? La jurisprudence s'était jusque-là montrée plutôt silencieuse quant aux problématiques juridiques précontractuelles. Devant la recrudescence de ce type de contentieux, l'arrêt Manoukian établit la caractérisation de la rupture fautive des pourparlers ainsi que la détermination du préjudice réparable (II). [...]
[...] Il convient de distinguer la faute dans la rupture et la faute de rupture. La rupture en elle-même peut donc être fautive si par exemple elle intervient dans des pourparlers très avancés. Dans une telle situation, le caractère fautif de la rupture se confond avec la décision de rompre en elle-même. En l'espèce, le fait d'avoir laissé les pourparlers se prolonger au point de faire croire à la société Manoukian que le contrat serait conclu n'est pas une faute. Ce qui confère un aspect fautif, c'est la décision de rompre sans motifs légitimes. [...]
[...] Or, la rupture en elle-même des pourparlers constituant la seule cause du préjudice ne saurait être fautive en raison du postulat de la liberté contractuelle. D'autre part, le fait de n'inclure dans le préjudice réparable que les frais engagés au cours des négociations permet de replacer le cocontractant victime de la rupture abusive des pourparlers dans sa situation initiale celle qui était la sienne avant le début des négociations. L'indemnisation de la perte de chance aurait mis le demandeur dans une situation nouvelle, donnant des effets aux pourparlers. [...]
[...] La responsabilité délictuelle est alors mise en cause. Une fois la faute de rupture établie, la cour de cassation s'est questionnée sur la question d'un préjudice potentiel et de sa réparation. II] La délimitation du préjudice réparable Afin de clarifier la question du préjudice réparable en cas de rupture fautive unilatérale des pourparlers, la cour de cassation établit le préjudice indemnisable du cocontractant victime et exclut l'indemnisation de la perte de la perte de chance de réaliser le gain et conclure le contrat. [...]
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