refus d'agrément, maître de l'ouvrage, acceptation du sous-traitant
« Pendant plus de dix ans, la loi de 1975 a brillé par son ineffectivité, spécialement en matière de marchés privés (…). C'est ainsi que, pour faire respecter la loi, on a confié au maître de l'ouvrage un rôle de gendarme qui, avec l'appui de la jurisprudence, s'est révélé tout à fait déterminant » . Par ces quelques mots, le Professeur Malinvaud nous éclaire sur le rôle qui a pu être confié au maître de l'ouvrage, et notamment quant à l'acceptation du sous-traitant ; certains problèmes se posant par rapport au délicat équilibre entre protection des uns et des autres.
Dans l'arrêt à commenter, rendu le 2 février 2005 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, est posée la question du refus d'agrément, sujet rare en jurisprudence. A noter d'ailleurs que, bien que la loi du 31 décembre 1975 ait attribué un vocabulaire spécifique à ce sujet (on parle d'acceptation du sous-traitant et d'agrément des conditions de paiement), la jurisprudence comme la doctrine ne font pas de distinction et emploient les termes comme synonymes, ce qui sera également le cas dans cette étude.
En l'espèce, un maître de l'ouvrage a retenu à la suite d'un appel d'offres restreint pour la construction d'un ensemble immobilier un entrepreneur. Ce dernier informe une société qu'elle était retenue pour l'exécution en sous-traitance du lot peinture. Or, le même jour le maître de l'ouvrage informe l'entrepreneur qu'il refuser d'agréer le sous-traitant. Le sous-traitant a donc assigné le maître de l'ouvrage en paiement de dommages et intérêts pour refus d'agrément abusif. Alors que la cour d'appel déboute le demandeur de cette demande au motif « que le droit, pour le maître de l'ouvrage, de refuser d'accepter un sous-traitant, est un droit discrétionnaire, dont l'exercice est insusceptible de contrôle juridictionnel, hormis le cas, non invoqué en l'espèce, de collusion frauduleuse, entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal », celui-ci ce pourvoi en cassation.
La question posée à la Cour de cassation était donc de savoir si le caractère discrétionnaire du droit, du maître de l'ouvrage, de refuser l'acceptation du sous-traitant connaît une limite qui est celle de l'abus de droit.
La troisième chambre civile répond par l'affirmative et casse en partie l'arrêt de la cour d'appel au visa des articles 3 de la loi du 31 décembre 1975 et 1382 du Code civil, au motif que « Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les motifs de ce refus, dont le caractère discrétionnaire est limité par un éventuel abus de droit, et qui sont contenus dans une lettre du 17 juillet 1996, n'étaient pas fallacieux et ‘‘fabriqués'' avec des moyens frauduleux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ».
[...] Sanctions éventuelles d'un refus abusif. La loi du 31 décembre 1975 prévoit expressément le cas où le sous-traitant n'aura pas été accepté. Une telle situation laisse l'entrepreneur principal tenu envers le sous-traitant, mais il lui devient impossible d'invoquer la convention de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant (ex : Cass. 3e civ déc Entreprise générale de bâtiment Mora Lefevre). La convention de sous-traitance conclue sans agrément du sous-traitant par le maître de l'ouvrage est nulle, mais d'une nullité relative. Elle produit malgré tout des effets entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant, mais également à l'égard du maître de l'ouvrage. [...]
[...] Il parait donc possible d'imaginer que la sanction pourrait être d'obliger le maître à indemniser intégralement le sous-traitant de ses factures impayées, réparation de l'entier préjudice. En revanche, comme dans le cas d'espèce, si le refus intervient avant toute exécution de travaux, comment évaluer le préjudice ? Car il n'y a là qu'une perte de chance d'être agréé, car même en l'absence de motifs frauduleux, rien n'oblige le maître de l'ouvrage à agréer le sous-traitant, ce droit restant discrétionnaire. Ainsi, l'évaluation du préjudice du sous-traitant parait fort délicate. [...]
[...] Dans la théorie classique de la sous-traitance, la convention de sous- traitance a toujours été inopposable au maître de l'ouvrage. Il en est encore ainsi [dans la loi de 1975], mais il convient de le rappeler dans la mesure où le maître de l'ouvrage est de plus en plus impliqué à l'égard du sous-traitant, notamment par le paiement ou l'action directe En l'absence d'acceptation du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, celui-ci a la faculté de résilier le marché principal. [...]
[...] Dans l'arrêt à commenter, rendu le 2 février 2005 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, est posée la question du refus d'agrément, sujet rare en jurisprudence. A noter d'ailleurs que, bien que la loi du 31 décembre 1975 ait attribué un vocabulaire spécifique à ce sujet (on parle d'acceptation du sous-traitant et d'agrément des conditions de paiement), la jurisprudence comme la doctrine ne font pas de distinction et emploient les termes comme synonymes, ce qui sera également le cas dans cette étude. [...]
[...] Dans les deux cas, le principe reste celui du caractère discrétionnaire de la décision du refus d'agrément du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, et la limite est celle de l'abus de droit. Le maître de l'ouvrage pourra être condamné pour abus de droit si refus dont le but exclusif est de nuire, en l'absence de toute nécessité liée à la protection de ses intérêts légitimes. Or, la charge de la preuve d'un abus de droit incombe au demandeur, c'est pourquoi dans l'hypothèse où le maître de l'ouvrage aurait justifié sa décision, la preuve de l'abus pourrait être facilitée. [...]
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