Fixation et révision du prix par le juge, convention d'honoraires
Il a été dit que « l'éthique de l'honoraire, c'est sa prévisibilité plus que son montant » . C'est pourquoi le législateur est intervenu pour encourager les avocats à conclure des conventions préalables sur la fixation des honoraires. En effet, la profession d'avocat fait partie de la catégorie des professions libérales, et plus généralement du contrat d'entreprise. Or, le principe de ce dernier est la licite indétermination du prix. Le contrat d'entreprise est ainsi cité à titre d'exception et d'exemple d'intervention judiciaire en matière de prix. La question de la fixation et de la révision du prix par le juge est donc fréquente.
Dans l'arrêt étudié, rendu le 3 mars 1998 par la première chambre civile de la Cour de cassation, c'est une hypothèse particulière qui est visée, celle d'une convention d'honoraires conclue en vertu d'une loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et disposant des règles spécifiques aux honoraires de la profession d'avocat.
En l'espèce, un avocat (une société d'avocats) a conclu avec son client (une société) un contrat ‘d'abonnement' lequel donnait lieu à une rémunération forfaitaire fixée annuellement, associée à des honoraires complémentaires liés au nombre de dossiers. Après une rupture des relations, le client avait refusé de payer le trimestre non effectué ainsi que les honoraires complémentaires. L'avocat saisit le bâtonnier d'une demande de fixation d'honoraires.
La cour d'appel fait droit à cette demande et condamne le client a payer le montant des honoraires forfaitaires de base pour le quatrième trimestre et le montant des honoraires forfaitaires pour la période allant du début de l'année à la résiliation de la convention. Elle rejette cependant la demande de dommages et intérêts. Le client se pourvoit donc en cassation.
La question posée à la Cour de cassation était donc de savoir si le juge peut modifier des honoraires fixés conventionnellement et préalablement à la prestation.
La première chambre civile répond par l'affirmative, au motif dans un premier attendu que « l'avocat, dessaisi des dossiers, n'était plus en droit de prétendre, compte tenu des stipulations du contrat, à un honoraire mensuel pour le dernier trimestre 1993 », la cour d'appel violant ainsi l'article 1134 du Code civil, et posant, dans un second attendu le principe selon lequel, vu les articles 1134 du Code civil et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971n modifié par celle du 10 juillet 1991, « le second de ces textes ne saurait faire obstacle au pouvoir des tribunaux de réduire les honoraires convenus initialement entre l'avocat et son client lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu ; attendu qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisé par fausse application et le second par refus d'application ».
[...] Le pouvoir que le juge s'accorde de réviser le contrat ne repose sur aucun fondement légal et les justifications extra legem qu'on a pu avancer ne résiste pas à l'examen critique ; il nous est apparu comme une survivance de l'histoire C'est pourquoi il est à présent nécessaire d'étudier les adaptations à porter à l'intervention du juge pour la rendre conforme tant à la loi qu'à la réalité de la profession d'avocat. B. La nécessaire adaptation à la réalité de la profession. Tout d'abord, cette solution part d'un postulat erroné qui est celui de l'avocat en position économique et sociale dominante. [...]
[...] L'absence de fondement du pouvoir judiciaire de rééquilibrage. Comment justifier la réduction à néant de la force obligatoire des conventions pour une simple exagération, d'autant que celle-ci semble pour le moins difficile à déterminer. A la vérité, aucune doctrine n'a jamais cru à un fondement légal quelconque de cette jurisprudence, et n'ayant pu en trouver, elle a cherché ailleurs des explications et justifications, sans trop s'embarrasser que nous soyons en pays de droit écrit Outre la survivance de l'histoire, qui a tendance à rattacher les professions libérales, et notamment celle d'avocat, au mandat, et l'article 1986 du Code civil qui maintient le principe du mandat contrat gratuit et retient la convention contraire stipulant un salaire comme l'exception justifiant un contrôle, Planiol et Ripert ont justifié ce pouvoir de contrôle des tribunaux par l'équité[9], Capitant par l'idée de cause (requérant ici une certaine proportionnalité entre les prestations)[10], et enfin Guestin par l'idée que les tribunaux ont ici créé, en marge des textes explicites, un nouveau cas de lésion entre majeurs Propositions toutes insuffisantes pour justifier l'atteinte portée à la sécurité juridique, l'équité a une trop forte consonance morale, la cause (dans sa conception objective) conduit à faire de ce pouvoir de rééquilibrage judiciaire un pouvoir général qui ne serait pas limité à la révision de certaines rémunérations (l'article 1118 du Code civil s'y oppose). [...]
[...] La première est celle du Professeur Martin et consiste à se baser tout simplement sur le droit commun des contrats. Comme convention conclue entre les parties, l'honoraire manifestement excessif peut être l'effet d'un dol : l'avocat a trompé son client sur la réalité de sa prestation prévue ; ou encore d'une erreur du client sur la substance de cette prestation. Il est loisible au juge d'interpréter assez largement les faits constitutifs du dol ou de l'erreur pour rétablie une justice élémentaire en annulant la convention. [...]
[...] Raymond Martin, JCP février 1999, La réduction des honoraires de l'avocat par le pouvoir judiciaire, recherche archéologique. Raymond Martin, JCP avril 1998 p638 Maître Boccara, Gaz. Pal. du 1er septembre 1998, Du pouvoir judiciaire de réduction de l'honoraire de l'avocat. [...]
[...] Or, il arrive souvent que ce soit le client qui se trouve en position de force. En l'espèce le client est une société de crédit donc nettement plus puissante financièrement qu'un cabinet d'avocat. En d'autres termes, Voici une société anonyme puissante, la société Credimo ramenée à la situation du ‘‘consommateur'' victime d'un abus de puissance économique et qu'il convient de protéger En outre, la solution ne vise que l'intervention du juge en cas d'honoraires excessifs, et non lorsque ces derniers seraient trop faibles. [...]
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