Comme l'a dit Malinvaud, la toile de Poussin « a fait couler plus d'encre que de peinture » dans l'arrêt de la 1er Chambre civile de la Cour de cassation du 22 février 1978.
En l'espèce, les époux saint-Arroman ont chargé le commissaire-priseur Rheims de la vente d'un tableau attribué à « l'école des Carrache » par l'expert Lebel. La Réunion des musées a exercé son droit de préemption, puis a exposé le tableau comme une œuvre originale de Nicolas Poussin.
Les époux Saint-Arroman assignent la Réunion des musées afin d'obtenir la nullité de la vente pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue devant le tribunal de grande instance de Paris à une date inconnue, qui fait droit à leur demande dans un jugement du 13 décembre 1973.
La Réunion des musées interjette appel devant la Cour d'appel de Paris.
Le 2 février 1976, la Cour d'appel infirme le jugement de première instance aux motifs « qu'il n'était pas prouvé que le tableau litigieux fut une œuvre authentique de Poussin, et qu'ainsi l'erreur alléguée n'était établie ».
Les époux Saint-Arroman forme un pourvoi en cassation. Le 22 février 1978, la 1er Chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 2 février 1976, et renvoie les parties devant la Cour d'appel d'Amiens.
Les juges ont dû se poser la question suivante : peut-on admettre l'erreur du vendeur d'une œuvre d'art sur les qualités substantielles de celle-ci alors même qu'un doute subsiste sur son authenticité ?
[...] On peut aussi dire que l'arrêt Poussin a inspiré la Cour de cassation dans son arrêt du 15 novembre 2005. On retrouve la même solution mais dans l'hypothèse inverse. Un contractant a acheté un tableau-piège avec la conviction erronée de l'authenticité de l'œuvre. Ainsi, cet arrêt est un modèle qui possède une procédure étonnante du fait qu'elle ait duré 15 ans, et qu'il a fallu l'intervention de 5 juridictions de l'ordre judiciaire, et du Tribunal des conflits pour que la décision du tribunal de grande instance soit effective. [...]
[...] Elle a donc refusé d'annuler la vente, car il y avait un doute concernant l'authenticité du tableau lors de la conclusion du contrat. Cependant, la Cour de cassation, n'était pas de son avis, dit, dans son arrêt du 22 février 1978, que sans rechercher, si au moment de la vente, le consentement des vendeurs n'avait pas été vicié par leur conviction erronée que le tableau ne pouvait pas être une œuvre de Nicolas Poussin, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision La Cour décide donc que l'erreur réside dans la différence entre la conviction du contractant et la réalité, même incertaine. [...]
[...] De plus, comme le veut l'article 1110 du Code civil, c'est une erreur sur la substance. L'erreur sur la substance de la chose L'erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, invoquée dans cet arrêt, a beaucoup évolué. En effet, deux conceptions s'opposent : la conception objective et la conception subjective. La première, dite in abstracto, porte sur la matière dont la chose est faite. Elle est illustrée par l'exemple de Potier : c'est l'erreur lors de l'achat d'un chandelier en bronze, alors que l'on croyait qu'il était en argent. [...]
[...] En effet, l'article 1110 du Code civil alinéa 1 dispose que L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet L'erreur est une fausse représentation de l'objet du contrat. Pour entraîner sa nullité, il faut qu'elle réunisse trois conditions : elle doit être déterminante, avoir une certaine gravité et ne pas être imputable à celui qui l'invoque. Or, en l'espèce, l'erreur commise par les époux possède ces trois conditions. Elle est déterminante car c'est parce que les époux Saint- Arroman ont cru que le tableau n'était pas de Poussin qu'ils ont voulu contracter. Sinon, ils ne l'auraient pas vendu. Cette erreur ne leur est pas imputable. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de Cassation a choisi la conception subjective. Pour que la nullité soit prononcée, il faut que le demandeur, en l'espèce les époux Saint-Arroman, démontre qu'il a cru en une fausse qualité de la chose qui a été déterminante lors de son engagement. Le tribunal de grande instance de paris, dans sa décision du 13 décembre 1973, dit que l'erreur sur la substance s'entend non seulement de celle qui porte sur la matière dont la chose est composée, mais aussi de celle qui a trait aux qualités substantielles d'authenticité et d'origine. [...]
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