« Monument du patrimoine français » selon Gérard Cornu , le Code Civil avait pour but à son élaboration en 1804 sous Napoléon d'unifier le droit français en matière civile en le codifiant. Synthèse voulue entre les principes libéraux de la Révolution et les coutumes héritées de l'Ancien Régime, le Code par conséquent consacre à la fois les idéaux dogmatiques de la Révolution et les structures sociales traditionnelles. Pragmatique il entend d'abord traiter de la famille et de la propriété. Les articles 4 et 5 s'insèrent dans le titre préliminaire De la publication, des effets et de l'application des lois en général, demeurées inchangées depuis leur promulgation. Intervenant pour remplacer la législation en place pendant l'Ancien Régime qui se fondait sur les arrêts de règlements, c'est-à-dire des décisions de justice à portée normative, l'article 5 prohibe cette confusion entre le législateur et le juge ; l'article 4 quant à lui impose une obligation de statuer au juge même dans les cas où il se trouve face à une lacune de la loi (c'est l'interdiction du déni de justice). A première vue, ces deux articles du Code Civil paraissent contradictoires. En effet si la loi présente des lacunes, c'est que le juge sera forcé de se mettre à la place du législateur pour tenter de percevoir ce que celui-ci voulait dire, au risque d'aller contre ce que stipule l'article 5. On serait donc en face d'une antinomie de la loi, une lacune que justement le juge a tenté de surmonter en définissant sa place par rapport au législateur. De quelle manière les articles 4 et 5 du Code Civil mettent en évidence les relations conflictuelles qu'entretiennent le législateur et le juge ? Dans quelle mesure ce dernier a-t-il peu à peu pour son profit donné toute son importance à l'article 4 en particulier, quitte à délaisser l'article 5 ? Si la loi se distingue par définition de la décision jurisprudentielle en raison des articles 4 et 5 qui limitent le rôle du juge (I), la jurisprudence par l'interprétation qu'elle a fait de facto des deux articles se pose partiellement comme concurrente du législateur (II).
[...] - La motivation, implicitement tirée de l'article 4 du Code Civil, est obligatoire du fait de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile et du fait de l'article 6 1er alinéa de la Convention européenne des droits de l'homme tel que l'interprète la jurisprudence de la CEDH. La motivation, qui implique un certain déterminisme au sens où le juge doit démontrer que sa décision serait valable dans n'importe quel autre contexte si le même cas se présentait à lui, a pour but de limiter l'arbitraire. [...]
[...] C'est l'exemple célèbre de l'arrêt Perruche : rendu le 17 novembre 2000 par la Cour de cassation à propos de l'indemnisation des enfants handicapés de naissance, il a été brisé par la loi nº2002-303 du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé. Même si la Cour de cassation tente de limiter la portée d'un bris de jurisprudence en refusant de l'appliquer aux affaires en cours, sauf impérieux motif d'intérêt général cela montre bien la hiérarchie qui s'effectue dans le sens de la loi entre celle-ci et la jurisprudence. Dans la pyramide des normes actuelle, la loi est clairement au dessus des décisions jurisprudentielles. [...]
[...] - D'autre part par la force obligatoire de la norme jurisprudentielle qui permet de faire passer du particulier au général. L'autorité relative du juge est, on l'a vu, un point établi (théoriquement selon l'article 5 du Code Civil, elle n'a pas de force obligatoire générale). Mais dans les faits, la jurisprudence qui interprète la loi est assimilée à cette loi. La preuve en est que quand il y a jurisprudence sur une question, on ne la plaide plus car on considère la solution acquise. [...]
[...] C'est l'exemple célèbre de l'article 1384, 1er alinéa du Code Civil : le juge a établi un principe général de la responsabilité du fait des choses et du fait d'autrui, alors que le texte n'appliquait que restrictivement ce principe. De même le jugement d'équité permet au juge d'écarter temporairement la loi au nom de l'équité (juge la loi trop sévère dans son cas particulier), mais c'est encore un pouvoir assez rare en France (malgré la loi du 9 juillet 1975 qui donne le pouvoir au juge de modérer la peine théorique si elle est jugée trop sévère en l'espèce). [...]
[...] Son intervention est ponctuelle et provoquée (Gérard Cornu) ; en cela l'article 5 se réfère à un autre article du Code Civil, l'article 1351, qui fonde la différence de nature entre la décision du juge qui ne peut être que casuelle et la décision du législateur. L'autorité relative de la chose jugée et le principe de séparation des pouvoirs expriment la dissociation nécessaire de la loi et du jugement : la loi intervient au début du processus, le jugement à la fin en cas de litige. [...]
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