Ce n'est qu'après plusieurs tentatives de codification que la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804), réunissant, sous le nom de « Code civil des Français », trente-six lois correspondant aux trente-six titres du Code, fut adoptée. Rédigé par une commission composée de quatre magistrats (Tronchet, Bigot de Préameneu, Malleville, et Portalis), et soutenu par Bonaparte, ce qu'on a longtemps appelé le Code Napoléon venait également abroger le droit antérieur « dans les matières qui sont l'objet du Code civil ». Etabli par des magistrats pragmatiques, le Code civil entend concilier les réformes de la Révolution française et les traditions plus profondes du peuple français, tout en se réclamant de l'esprit libéral et individualiste des Lumières puisque traitant principalement des personnes et du droit de propriété. Il regroupe les lois relatives au droit civil français, régissant les rapports privés entre les personnes. Compris dans le titre préliminaire, De la publication, des effets et de l'application des lois en général, et insérés par la loi du 5 mars 1803, promulguée le 15 mars 1803, l'article 4 dispose : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice » et l'article 5 « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises».
Ces dispositions fondamentales du Code Civil, inchangées depuis leur promulgation, ont encore une place privilégiée dans le système juridique français. Ces deux articles ont vocation à délimiter le rôle du juge, à définir ses devoirs et ses obligations, et surtout son domaine d'intervention par rapport à celui du législateur. En effet, si le législateur vote, et ainsi crée la loi, le juge, qui n'a pas sa légitimité démocratique, est chargé de son interprétation et de son application. Le rôle du juge n'est pas de faire la loi, ni de considérer qu'elle ne remplit pas son rôle. Pourtant, sa jurisprudence est aussi considérée comme une source du droit. L'article 4, qui interdit le déni de justice et donne la mission au juge d'interpréter la loi, et l'article 5, qui en prohibant les arrêts de règlement, lui interdit de créer directement des règles de droit, viennent éclaircir ces relations entre loi et jurisprudence.
Comment les articles 4 et 5 du Code civil permettent-ils donc de définir le rôle du juge, notamment par rapport à celui du législateur, et ainsi d'appréhender la complexité des interactions entre loi et jurisprudence ?
Si les articles 4 et 5, limitant le rôle du juge ou le conditionnant, apparaissent tout d'abord comme restrictifs (I), ils laissent aussi la possibilité au juge de créer du droit, par l'interprétation qu'il fait et les jugements qu'il rend (II).
[...] L'interdiction de créer des normes Les Parlements et autres cours de l'Ancien Régime avaient la possibilité de prendre des arrêts de règlement qui avaient force obligatoire dans l'espace du ressort du Parlement concerné, en attendant une loi qui viendrait combler des lacunes. Les rédacteurs du Code civil, soucieux notamment de rectifier certains traits du système judiciaire de la monarchie absolue et de garantir le principe de séparation des pouvoirs cher à Montesquieu, ont préféré prohiber, de manière générale, les arrêts de règlement. L'article 5 du Code civil dispose ainsi : Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises». [...]
[...] Les articles 4 et 5 font donc apparaître le fait que le rôle du juge est fortement limité, notamment lorsqu'on le compare avec celui du législateur. Mais, ces articles ne sont pas seulement restrictifs et laissent la possibilité au juge de créer du droit, par les jugements qu'il rend, ce qui conduit à s'interroger sur l'apport jurisprudentiel dans la création du droit. II. Un rôle de créateur de droit qui s'affirme Si, par l'interprétation judiciaire, le législateur a le pouvoir de créer du droit la portée de la jurisprudence peut venir influencer la loi et conduire à sa modification A. [...]
[...] Il interdit, quel que soit le prétexte, le déni de justice, pénalement réprimé. Même si la loi n'est pas parfaite et qu'elle peut se révéler incomplète, muette, ou simplement obscure, le juge doit statuer de manière rationnelle, à défaut de statuer en équité. Se fondant sur des arguments et un raisonnement solides puisqu'il doit motiver son jugement, le juge s'appuie aussi sur les précédents judiciaires et peut s'approprier le raisonnement d'un autre juge s'il est convaincu de sa justesse. Le juge ne peut invoquer une absence de preuves pour refuser de juger. [...]
[...] Dans une perspective horizontale, le juge ne peut ainsi généraliser la règle qu'il applique à un litige qui lui est soumis si une loi ou un règlement n'ordonne pas cette généralisation. Une règle de droit dégagée par un tribunal saisi d'un litige ne doit pas obligatoirement être suivie dans un cas similaire. La Cour de Cassation a par ailleurs établi que le juge du fond ne pouvait pas se référer à des règles préétablies générales (par ex. : Crim février 1970, D p. 333). Dans une perspective verticale, il est plus difficile de distinguer arrêts de règlement et arrêts de principe. [...]
[...] Alors que l'importance de l'article 4 va grandissante, s'affirme parallèlement le déclin de l'interdiction des arrêts de règlements, interdiction posée par l'article 5 du Code civil. Le droit pour chacun d'obtenir justice est devenu en effet une véritable priorité, tandis que l'influence croissante de la jurisprudence sur la loi fait relativiser la portée de l'article 5. Bibliographie - Cabrillac, R., Introduction générale au droit, coll. Cours Dalloz Dalloz, Paris - Cayla O., L'office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle LGDJ, Paris - Garapon A., Les juges, un pouvoir irresponsable N. [...]
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