Les articles auxquels nous nous intéressons pourraient être étudiés indépendamment l'un de l'autre, l'article 4 dispose : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice » et pose ainsi le devoir du juge à l'égard des partis. Tandis que l'article 5 qui dispose en ces termes : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Mais c'est en articulant ces deux textes de loi que se pose une question intéressante pour le système juridique français : si le juge est forcé de statuer même en l'absence de loi, dans quelle mesure peut il réellement le faire s'il est limité dans sa capacité a faire du droit ? Et jusqu'où va le pouvoir de création normative du juge ?
Ces deux articles que nous allons nous attacher à analyser montrent bien par leur place dans le code qu'ils ont une grande importance, tout en ayant une portée très large : ce sont les deux textes pivots pour organiser le rapport législateur/juge. En France, le juge n'est pas législateur : il convient donc de bien différencier les deux, et noter que le législateur a la légitimité démocratique de créer du droit à portée générale et abstraite, car il est l'émanation de la volonté générale de la Nation. Il va donc pouvoir créer la règle de droit qui devra s'appliquer indifféremment à tous les citoyens français. Ainsi l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 défini ainsi la loi « (elle) est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». C'est donc le législateur, émanant du peuple, qui a le pouvoir de créer du droit. En revanche, en droit français, le juge n'a aucune légitimité politique : son rôle est avant tout l'application presque mécanique de la Loi. Cette organisation juridique est celle d'un système de civil Law, car dans un souci de systématisation, nous codifions des règles à portée générale qu'il convient d'appliquer à tous. Elle est différente du modèle anglo-saxon de Common Law qui se forme à l'occasion d'affaires, conférant au juge le pouvoir notoire de poser un principe en rendant son jugement par le mécanisme du précédent.
Ces deux articles sont révélateurs du système juridique français, t révèlent la subtilité de notre pratique d'un civil Law tempéré. En effet d'une part il convient de délimiter strictement le juge dans son rôle de « bouche de la loi » uniquement, mais d'autre part on le contraint à juger, même dans le cas ou la loi n'est pas claire. L'article 4 articulé à l'article 5 pose la question de la place de jurisprudence dans le droit français. Comment s'est élaboré ce système juridique ? Quel est le rôle du juge ? Jusqu'où va sa capacité d'interprétation ?
Nous verrons dans un premier temps comment le code civil a réussi à imposer à la sortie de l'Ancien régime une articulation entre un encadrement rigide des juges afin qu'ils ne légifèrent pas, et obligation de juger, donc d'interpréter la loi (1), puis nous analyserons le développement de la pratique jurisprudentielle en France, et ses avantages, notamment avec la place montante du Conseil de Cassation (2).
[...] Comment s'est élaboré ce système juridique ? Quel est le rôle du juge ? Jusqu'où va sa capacité d'interprétation ? Nous verrons dans un premier temps comment le Code civil a réussi à imposer à la sortie de l'Ancien régime une articulation entre un encadrement rigide des juges afin qu'ils ne légifèrent pas, et obligation de juger, donc d'interpréter la loi puis nous analyserons le développement de la pratique jurisprudentielle en France, et ses avantages, notamment avec la place montante du Conseil de Cassation Le juge, entre bouche de la loi et interprète. [...]
[...] Un mécanisme de publication des décisions par la Cour de cassation permet l'accès à des données, et donc leur confère un statut plus reconnu. Le législateur ne peut combattre cette jurisprudence qu'en prenant un texte de même nature que les dispositions auxquelles elle est intégrée ou dont elle tient la place. Ainsi si des sujets importants ne sont pas régis par des textes de loi, mais seulement par de la jurisprudence, le parlement peut décider de créer une loi pour que le principe dégagé par le jugement entre dans le droit positif, et ne soit plus contestable. [...]
[...] Le rôle du juge est donc d'appliquer la loi de façon la plus mécanique possible, et de juger tout ce qu'il lui est soumis Bibliographie Code Civil, article 4 et 5. [...]
[...] L'évolution technique et le vieillissement des lois créent naturellement des carences dans le droit. Mais il y a une ambiguïté autour du terme bouche de la loi Nous pouvons y comprendre l'application automatique et mécanique de la loi (comme on vient de le dire). Ou bien, mais ce n'est pas le sens voulu par Montesquieu, on peut l'entendre comme bouche par laquelle sort la loi, c'est-à-dire une source formelle de droit. Dans l'ambiguïté que prend cette métaphore hors de son contexte, réside en fait toute l'ambiguïté du rôle du juge et de son autorité par rapport à celle de la loi. [...]
[...] Le droit positif ne se réduit pas nécessairement aux règles édictées par des autorités habilitées à cet effet, il englobe l'ensemble des règles dont les autorités publiques assurent le respect. Dans cette perspective, le juge participe bien à la création du droit qui s'impose au respect des justiciables. Bien que non officiellement investi d'une compétence normative, il dispose d'un certain pouvoir normatif. La jurisprudence adopte aussi un caractère obligatoire, car ne pas suivre la jurisprudence peut donc donner lieu à cassation. [...]
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