Article 1130 alinéa 2 du code civil : « On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui duquel il s'agit ».
En droit des successions, il est de principe constant que chacun peut modifier la dévolution légale au moyen de libéralités, qui sont la manifestation ordinaire du pouvoir de la volonté sur la dévolution légale. Mais lorsqu'une personne s'exprime au travers de dispositions à titre gratuit, le pouvoir de la volonté est bridé par un ordre public successoral. Cet ordre public successoral relève plutôt de l'ordre public politique que de l'ordre public économique, puisqu'il tend à assurer la défense de principes jugés essentiels pour la société, et non à encadrer les échanges économiques.
Les limites à la liberté de modifier la dévolution légale sont au nombre de trois : la réserve, la prohibition des substitutions fidéicommissaires et la prohibition des pactes sur succession future.
La prohibition des pactes sur succession future est ancienne, elle remonte au droit romain. Le pacte successoral y était jugé comme immoral, car traduisant un votum mortis, avec le risque, réel à certaines époques, de passage à l'acte. De plus, il contrariait l'esprit d'un système où la succession testamentaire prédominait : celui qui dispose de sa succession par contrat en règle le sort irrévocablement, de sorte qu'il perd sa liberté de tester. Le code napoléonien a maintenu ce principe, sauf quelques dérogations somme toute assez rares. Actuellement, l'évolution est sans conteste dans le sens d'une libéralisation : il est possible de conclure valablement de nombreux pactes qui étaient jadis nuls.
Le principe de la prohibition des pactes sur succession future a été fortement affirmée par le code qui l'énonce à maintes reprises, sans crainte de se répéter : dans la matière des successions, puisque l'article 722, issu de la loi du 3 décembre 2001, pose le principe en termes généraux, ainsi que l'article 791 ; dans celle des contrats et obligations par l'article 1130 ; à propos du contrat de mariage par l'article 1389…
L'article 1130 du code civil, qui est un texte législatif qui date des origines du code civil en 1804, et qui se situe dans la section III « De l'objet et de la matière des contrats » du chapitre II « Des conditions essentielles pour la validité des conventions » du titre troisième « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général », présente la prohibition des pactes sur succession future comme une exception au principe selon lequel les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation, cela grâce au terme « cependant ». Il énonce :
« Les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation.
On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui duquel il s'agit ».
Cet article se décompose donc en deux alinéas, le premier posant un principe et le second une exception. Seul le second alinéa de l'article 1130 doit donner lieu à une analyse, en effet seule l'exception au principe selon lequel les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation, c'est-à-dire le pacte sur succession future, doit être étudiée. Ce second alinéa semble lui-même se subdiviser, au vu de sa syntaxe, en effet, la phrase est divisée en trois parties par des virgules. La première partie de la phrase, « On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte », pose une règle, celle de l'impossible renonciation sur succession non ouverte. La seconde, « ni faire aucune stipulation sur une pareille succession », en pose une autre, celle de l'impossible stipulation sur succession non ouverte. Et la troisième, « même avec le consentement de celui duquel il s'agit », apporte une précision aux deux règles énoncées précédemment. Un plan de commentaire en deux parties découle donc logiquement de la lettre même du texte : la première étant consacrée à l'analyse de la renonciation sur succession future, et la seconde étant consacrée à l'étude des stipulations sur succession future, avec, dans chacune d'elles, la démonstration de l'inefficacité du consentement de celui de la succession duquel il s'agit. Il s'agira donc d'une analyse linéaire de la lettre du texte législatif.
[...] Le principe de prohibition des pactes sur succession future, qui était absolu en 1804, connaît désormais des dérogations légales expressément mentionnées dans le code par la loi: certains pactes sont autorisés par faveur pour la famille (institution contractuelle consentie par contrat de mariage ou au cours du mariage, clause commerciale, renonciation anticipée à la succession du conjoint en cas de séparation de corps sur requête conjointe, stipulation dans une convention d'indivision d'une faculté d'acquisition ou d'attribution de la part indivise de l'indivisaire décédé), certains pactes sont autorisés par souci de sécurité juridique (visés aux articles 918 et 930 alinéa qui ont pour objet une renonciation anticipée des héritiers réservataires à demander la réduction d'une libéralité consentie par le de cujus) et certains pactes sont autorisés dans l'intérêt des entreprises (clauses des statuts sociaux, etc. ) Bibliographie : Cours de Madame le professeur Balivet (université lyon Manuel de droit civil régimes matrimoniaux de M. [...]
[...] L'impossible renonciation sur succession future Pour analyser la règle selon laquelle On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte il convient, dans un premier temps, de définir ce que recouvre la notion de succession non ouverte avant de s'attacher à la notion de renonciation et d'étudier l'éventuel impact du consentement de celui de la succession duquel il s'agit. Le mot succession, dans son sens propre, désigne la transmission des biens d'une personne du fait de sa mort. Il s'agit donc d'un mode d'acquisition de la propriété. Comme toute transmission, elle établit un lien entre deux personnes : celle dont les droits sont transmis, l'auteur, le défunt, le de cujus, et celle qui les recueille, l'ayant cause, le successeur, l'héritier. Dans l'article 1130 alinéa seule la succession non ouverte est visée. [...]
[...] Il est possible de s'interroger sur le type de succession visée par la règle selon laquelle On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte En effet, s'agit-il de sa propre succession ou de la succession d'autrui ? Aux termes de l'article 1130 alinéa 2 il semble que les successions visées soient celles d'autrui. En effet, on se trouve dans l'hypothèse où un héritier va disposer de ses droits dans une succession future : y renoncer ou les céder. La nature de la succession est ici sans conséquence, qu'il s'agisse d'une succession légale, testamentaire ou contractuelle, aucun des héritiers ne pourra renoncer prématurément à ses droits, ni les aliéner. [...]
[...] Cet ordre public successoral relève plutôt de l'ordre public politique que de l'ordre public économique, puisqu'il tend à assurer la défense de principes jugés essentiels pour la société, et non à encadrer les échanges économiques. Les limites à la liberté de modifier la dévolution légale sont au nombre de trois : la réserve, la prohibition des substitutions fidéicommissaires et la prohibition des pactes sur succession future. La prohibition des pactes sur succession future est ancienne, elle remonte au droit romain. Le pacte successoral y était jugé comme immoral, car traduisant un votum mortis, avec le risque, réel à certaines époques, de passage à l'acte. [...]
[...] Une telle renonciation dans le cadre d'une succession future est strictement prohibée par les articles 1130 alinéa 2 et 791 du code civil. Le fondement rationnel de cette prohibition étant la volonté de protéger une personne contre elle-même, notamment contre son éventuelle faiblesse psychologique (le fait d'avoir un besoin d'argent immédiat et donc de faire le sacrifice de ses droits dans une succession). De telles renonciations sont rares, mais il s'agit d'actes particulièrement graves où l'on monnaie généralement sa renonciation, avec le double risque de la spéculation sur la mort et de la lésion. [...]
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