Une société gagiste peut-elle valablement substituer des biens initialement gagés par d'autres alors même qu'elle se trouve en état de cessation de paiements, et donc soumise à une période suspecte ?

Extraits

[...] Une société gagiste peut-elle valablement substituer des biens initialement gagés par d'autres alors même qu'elle se trouve en état de cessation de paiements, et donc soumise à une période suspecte ? En l'espèce, le 12 novembre 2022, une société exerçant une activité de construction et de location de bateaux de plaisance consent à une banque en garantie du paiement du solde débiteur un gage sans dépossession portant sur 6 moteurs de bateau identifiés. Seulement, le 19 février 2023, celle-ci modifie le gage en substituant à deux moteurs initialement gagés deux autres moteurs. [...]

[...] De la même manière, la société pouvait faire l'objet d'une liquidation judiciaire dès lors qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements et que le redressement était manifestement impossible. En l'espèce, puisque la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 17 juin 2023 à l'issue d'un redressement judiciaire le 1[er] avril 2023, cela signifie que le redressement n'a pas permis à la société d'éviter cette liquidation. La possibilité pour la société de substituer des biens constituant l'assiette du gage par d'autres En droit des procédures collectives, il existe une période suspecte : il s'agit de la période qui s'écoule entre la date de cessation des paiements et le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. [...]

[...] Toutefois, l'ordonnance du 15 septembre 2021 venant rappeler un principe posé par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 janvier 1998 exclut du champ de la nullité la substitution de garantie intervenue en période suspecte à la condition que « les sûretés soient d'une nature et d'une assiette équivalente ». Ce principe sera notamment rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 sept (n°15-10421). En l'espèce, au départ, la société avait consenti à la banque un gage portant sur six moteurs de bateau. [...]

[...] commerce, certains actes sont frappés de nullité de plein droit lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements. Le 6° de cet article prévoit que « sons nuls toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ». En l'espèce, le 19 février 2023 soit pendant la période suspecte, la société a modifié le gage qu'elle avait consenti à la banque ce qui signifie qu'un nouveau gage a été consenti puisqu'il ne porte plus sur les mêmes biens pour des dettes antérieurement contractées. [...]

[...] Ainsi, puisque la nature et l'assiette du gage initialement consenti est reste le même, la banque ne bénéficie pas d'un gage supérieur. Par conséquent, on peut dire que la substitution ne peut être remis en cause. Toutefois, cette affirmation pourrait être contredite par rapport à la valeur des deux nouveaux moteurs gagés : si ceux-ci ont une valeur supérieure à ceux initialement gagés, même si la quantité et la nature de l'assiette reste la même, la valeur des nouveaux moteurs pourrait faire consentir un gage supérieur au créancier. [...]