M. Durand, 80 ans, est décédé hier soir des suites d'une grave maladie, laissant pour lui succéder son épouse : Marthe, 75 ans et leurs trois fils. Se sachant malade, M.Durand avait désiré que son fils Mathieu, qui de par sa profession d'infirmier procédait régulièrement aux soins de son père, puisse obtenir l'appartement reçu par M.Durand de sa mère. En effet, ce dernier avait connaissance de ce que son fils affectionnait tout particulièrement ce bien.
Dès lors, il a été convenu que ledit appartement serait vendu à Mathieu. L'acte de vente, conclu le 1er mars 2008 stipulait que ladite cession s'effectuerait moyennant constitution d'une rente viagère mensuelle de 400 euros au profit de Marthe. Il est ici précisé que l'immeuble a été vendu loué, le loyer dudit bien s'élevant à 350 euros par mois, et que Mathieu ne souhaitant pas déménager immédiatement, a continué à demeurer dans le domicile qui était le sien jusqu'alors. Par ailleurs, l'on a connaissance de ce que ledit appartement a été évalué au jour de la vente à 200 000 euros, valeur non modifiée à ce jour.
Aujourd'hui, vous êtes chargé par Marthe et ses enfants de régler la succession de M.Durand. La problématique directrice de notre raisonnement est celle de savoir si la validité de la vente consentie à bas prix par M.Durand à son fils n'est point remise en cause. Autrement dit, il s'agit de savoir si elle ne sous-tend point en réalité une donation, et si de ce fait, elle ne serait pas déclarée nulle. En outre, il convient de se demander quelles seraient les incidences d'une requalification de la vente en une donation sur le règlement de la succession de M.Durand.
[...] Dès lors, afin de déterminer le montant effectif de la donation, il convient de déduire la charge de la valeur du bien donné. Ainsi, la première Chambre Civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 23 mars 1994 a déclaré que lorsqu'une donation avait été consentie avec charge par le donataire de s'acquitter du paiement d'une rente viagère, seuls les aréages effectivement payés, diminués des revenus retirés du bien donné jusqu'au jour du partage sont déductibles de la valeur du bien donné à cette même date Par ailleurs, si le donataire reste tenu de la charge de la rente postérieurement au décès de l'auteur de la libéralité, il est en outre nécessaire de prendre en considération le montant estimé des aréages qui devront être ultérieurement versés. [...]
[...] Les droits exigibles constituent des droits de mutation par décès. Or, en l'espèce la donation déguisée a été révélée à l'administration fiscale à l'occasion du règlement de la succession de M. DURAND : elle est donc devenue imposable du fait du décès de ce dernier. En outre, cette donation a été consentie par le de cujus à son fils : Mathieu ;celui-ci ayant vocation à recueillir la succession du défunt, il s'agit donc bien d'un don consenti à l'héritier du donateur. [...]
[...] Dès lors, il s'agit de savoir si les conditions de fond des libéralités sont remplies. Il est à noter sur ce point que selon l'article 911 du Code Civil, Toute libéralité au profit d'une personne physique, frappée d'une incapacité de recevoir à titre gratuit, est nulle, qu'elle soit déguisée sous la forme d'un contrat onéreux . Par conséquent, les donations déguisées accordées à des personnes déclarées incapables de recevoir par la loi seront nulles. Et d'après l'article 909 du Code Civil, «Les docteurs en médecine ou en chirurgie ( . [...]
[...] A partir du moment où l'on considère que le paiement de la rente se révèle être une charge de la donation, les aréages qui ont été acquittés par Mathieu jusqu'au décès de M. Durand ainsi que ceux estimés comme restant dus jusqu'au décès de Marthe doivent venir s'imputer sur la valeur de l'appartement, objet de la donation. En effet, puisque la rente viagère a été constituée au profit de la mère du donataire, toujours en vie, ce dernier demeure tenu au paiement de ladite rente même après le décès de M.DURAND, donateur. [...]
[...] 1-la question du rapport Dans l'hypothèse d'une requalification de la vente en une donation déguisée Rappelons que selon l'article 843 du Code Civil : Tout héritier ( . ) venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt par donation entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui fait par le défunt, à moins qu'il ne lui aient été faits expressément hors part successorale On déduit de cet article que, sauf preuve contraire, les donations consenties par le défunt à l'un de ses héritiers sont présumées l'avoir été en avancement de part successorale. [...]
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