La lettre de change, instrument de paiement et de crédit, payable à terme, sert généralement à la satisfaction de besoins commerciaux. Toutefois, ce mécanisme du droit cambiaire est parfois détourné de son objet principal par des personnes peu scrupuleuses qui l'utilisent comme un moyen d'obtenir du crédit en simulant des opérations qui n'existent pas. La lettre de change constitue alors une « forme artificielle et malsaine de crédit » (Gavalda et Stoufflet): l'effet de complaisance.
La lettre de change est en vertu de l'article L110-1 du Code de commerce un acte de commerce par la forme. Il s'agit d'un mécanisme du droit cambiaire qui permet à une personne désignée: le tireur de donner l'ordre à une autre personne: le tiré, de régler à une date convenue une somme déterminée à un bénéficiaire nominalement désigné ou au porteur de la lettre. Par son acceptation, le tiré se reconnaît débiteur vis-à-vis du bénéficiaire.
L'émission de la lettre de change est rendue valide par la présence de conditions de forme (nombreuses mentions obligatoires) mais également par les conditions de fond du droit commun: consentement, capacité, objet et cause. L'objet de l'obligation cambiaire ne soulève pas de difficultés. Il s'agit nécessairement d'une somme d'argent. La cause de l'engagement cambiaire est plus problématique puisque cette cause se trouve en dehors de l'opération cambiaire ; en effet, la lettre de change est émise sur les bases d'un rapport juridique préexistant entre le tireur et le tiré ; il s'agit de la provision. Sa licéité mais surtout son existence peuvent prêter à discussion puisque des personnes peu scrupuleuses escomptent des effets de commerce sans qu'aucune provision n'existe. Le but de ces « effets de complaisance » est d'obtenir du crédit frauduleusement. On verra quels sont les effets de la lettre de change émise sans provision.
[...] Seulement 2 textes ont fait allusion dans le passé à l'effet de complaisance. En effet, l'article 5 de la loi du 24 germinal an XI abrogée par un décret de 1973 interdisait à la banque de France de prendre à l'escompte les effets dits de circulation créés collusoirement entre les signataires, sans cause, ni valeur réelle L'autre texte est l'article 585 ancien du code de commerce qui frappait des peines de la banqueroute simple le commerçant qui dans l'intention de retarder sa faillite ( ) s'était livré à des circulations d'effets ou autres moyens ruineux de se procurer des fonds Devant un tel silence de la loi, la jurisprudence a dû préciser les sanctions encourues en cas d'émission d'une lettre de change sans provision. [...]
[...] Elles doivent être réunies au jour de l'échéance. Même si elle n'est pas expressément prévue par la loi, cette exigence que retiennent jurisprudence et doctrine est tout à fait compréhensible et justifiée. Pour que la lettre de change joue son rôle d'instrument de paiement, le porteur doit avoir la certitude de ne pas s'exposer, à l'échéance, à un refus de payer que le tiré fonderait sur le défaut de certitude, de liquidité ou d'exigibilité de sa dette. D'autre part, si l'une des mentions fait défaut, le tiré pourra refuser d'accepter la traite et s'il l'a accepté, il sera en droit de refuser de la payer. [...]
[...] D'autres combinaisons peuvent aussi se présenter : le complaisant peut jouer le rôle du tireur. C'est alors lui qui émet la traite sur un commerçant financièrement gêné et qui la fait escompter pour en remettre le montant au complu. Le bénéficiaire du tireur peut également s'assurer de la complicité de 2 personnes : il fait tirer par un 1er ami une traite à son ordre sur un tiers qui l'accepte. Le titre est ainsi revêtu de 2 signatures en plus de la sienne apposée plus tard ; il sera plus facilement escompté et la combinaison sera plus difficilement décelable. [...]
[...] La solution est la même lorsque le paiement de l'effet est réclamé au complaisant, non pas par le complu lui-même mais par l'administrateur de sa procédure collective. Le problème le plus délicat est de savoir si le complaisant qui a du payer l'effet à un porteur de bonne foi dispose ou non d'un recours contre le complu (celui qui devait tirer profit de l'effet). Le complaisant va-t-il ou non être la victime de sa complaisance ? pendant longtemps, la jurisprudence a refusé que le complaisant agisse en répétition contre le complu (Cass Req 8 juin 1891). [...]
[...] Aussi, les effets de complaisance ont bien une cause. C'est sur l'illicéité de cette cause que va reposer la nullité. Le texte visé est l'article 1131 du code civil : L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. Les parties trompent intentionnellement les tiers sur le véritable rapport juridique qui existe entre eux. La cause de la lettre de change est une atteinte à l'ordre public puisque complaisant et complu ont détourné l'outil cambiaire de sa fonction afin d'obtenir du crédit. [...]
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