La mise en oeuvre de l'article 1415 du code civil et du droit de poursuite des créanciers d'un époux qui s'est porté caution d'une dette ou qui a contracté un emprunt sans l'accord de son conjoint n'en finit pas de susciter des difficultés. La Cour de cassation poursuit sans faiblir sa jurisprudence implacable à l'égard des créanciers dans une interprétation rigoriste de la loi.
Un mari s'était porté seul caution de deux prêts auprès d'une société de crédit, la SMC. En raison sans doute de la défaillance du débiteur, cette dernière avait fait pratiquer des saisies-attributions de différents comptes bancaires personnels du mari caution.
La Cour d'appel de Lyon, dans un arrêt confirmatif du 11 septembre 2002, a prononcé la mainlevée des saisies. La SMC a alors formé un pourvoi en cassation en relevant principalement que, contrairement à ce qu'avaient décidé les juges du fond, c'était au titulaire des comptes d'apporter la preuve que les deniers qui s'y trouvaient étaient insaisissables, et non au saisissant de prouver le contraire. Par ailleurs, en vertu de l'article 1415 du code civil, font notamment partie du gage du créancier les revenus de la caution, alors même qu'ils ont la qualité de biens communs. Par conséquent, la présomption de communauté ne pouvait justifier la mainlevée des saisies.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle approuve d'abord la cour d'appel d'avoir rappelé le principe tiré de l'article 1415 du code civil selon lequel, en l'absence de l'accord du conjoint, la caution engage ses biens propres et ses revenus. Mais elle approuve également les juges du fond d'avoir estimé que, en application de l'article 1402 du code civil et de la présomption de communauté, c'était au banquier d'identifier les revenus de la caution, faute de quoi les sommes se trouvaient insaisissables.
Ce n'est pas la première fois que la Cour de cassation décide que c'est au créancier de démontrer la saisissabilité des deniers déposés sur un compte bancaire. C'est, en revanche, la première fois qu'elle précise le fondement de cette solution, la présomption de communauté de l'article 1402 du code civil. Or, on a du mal à comprendre comment on peut déduire de cette règle l'insaisissabilité des sommes. Par ailleurs, la Cour de cassation reste étonnamment silencieuse sur un point souligné par la cour d'appel, la nature des comptes litigieux, alors qu'elle avait déjà eu l'occasion d'en faire un critère de solution pour ce même problème. L'arrêt intéresse donc en raison tant de ce que dit la Cour de cassation (I) que de ce qu'elle ne dit pas (II).
[...] On ne peut s'empêcher de penser néanmoins que, si elle l'avait souhaité, elle aurait pu soulever le problème, ce qui aurait permis de savoir si elle maintenait ou non sa jurisprudence. Il faut dire que le recours à une distinction entre les comptes apparaît en soi d'une opportunité douteuse. La difficulté consiste à distinguer parmi les produits financiers proposés par les banques ceux qui constituent des acquêts en raison de l'économie qu'ils représentent. Des auteurs ont proposé de distinguer selon que le placement serait à court terme, d'une part, ou à moyen ou long terme, d'autre part. [...]
[...] II - Ce que ne dit pas la Cour de cassation Le jeu de l'application de la présomption de communauté aboutit à refuser la saisie de l'intégralité des comptes ouverts au nom de l'époux caution. On est là face à la solution du tout ou rien dénoncée par un auteur comme une lacune de la matière, car si, à l'inverse, il avait été démontré que les comptes étaient exclusivement alimentés de revenus de la caution, ils auraient été totalement saisissables. [...]
[...] C'est, en revanche, la première fois qu'elle précise le fondement de cette solution, la présomption de communauté de l'article 1402 du code civil. Or, on a du mal à comprendre comment on peut déduire de cette règle l'insaisissabilité des sommes. Par ailleurs, la Cour de cassation reste étonnamment silencieuse sur un point souligné par la cour d'appel, la nature des comptes litigieux, alors qu'elle avait déjà eu l'occasion d'en faire un critère de solution pour ce même problème. L'arrêt intéresse donc en raison tant de ce que dit la Cour de cassation que de ce qu'elle ne dit pas (II). [...]
[...] Dans la mesure où, en ce qui concerne les revenus des époux, il n'y a pas une totale adéquation entre la nature des biens et leur régime, ni la présomption de l'article 1402, ni surtout la preuve contraire ne peuvent être d'aucun secours pour dire si les biens sont saisissables ou non par les créanciers. Peut-on alors trouver un autre fondement à cette solution ? Il n'est pas certain que les règles du droit commun de la preuve puissent l'étayer. La charge de la preuve incombe, certes, au demandeur, mais elle incombe aussi à celui qui invoque un moyen de défense. En principe, les biens communs ordinaires sont saisissables par le créancier (art c. civ.). [...]
[...] La SMC a alors formé un pourvoi en cassation en relevant principalement que, contrairement à ce qu'avaient décidé les juges du fond, c'était au titulaire des comptes d'apporter la preuve que les deniers qui s'y trouvaient étaient insaisissables, et non au saisissant de prouver le contraire. Par ailleurs, en vertu de l'article 1415 du code civil, font notamment partie du gage du créancier les revenus de la caution, alors même qu'ils ont la qualité de biens communs. Par conséquent, la présomption de communauté ne pouvait justifier la mainlevée des saisies. [...]
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