La responsabilité du banquier dispensateur de crédit excessif a connu ces dernières années une évolution remarquable ayant abouti à la mise à la charge du banquier d'une obligation de mise en garde au profit de l'emprunteur profane. C'est ce qu'illustre la décision rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 octobre 2008, par sa première chambre civile.
En l'espèce, une société de crédit avait consenti un prêt à un couple, mais également une ouverture de crédit à l'épouse. La société les a assignés en remboursement, chacun en ce qui le concerne. Dans un arrêt du 12 mars 2007, la Cour d'appel de Grenoble déboute les époux de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée contre la société, qui, selon eux, leur aurait fautivement octroyé des crédits. Les juges du fond relèvent que ces prêts avaient été accordés en considération d'un endettement inférieur à un tiers des revenus du couple pendant deux ans, puis égal ensuite à 12% de ceux-ci, tout en calculant que le revenu mensuel des époux ne s'élevait plus qu'à 534 francs, après déduction des charges fixes et des mensualités de remboursement. Les époux forment alors un pourvoi en cassation.
[...] La doctrine n'est pas unie sur ce point, A. Gourio, notamment, estime que c'est l'emprunteur qui devrait prouver qu'il est non averti et que le crédit présentait des risques. Cette distinction entre emprunteurs avertis et non avertis, a pour conséquence de réduire les cas d'engagement de la responsabilité des professionnels de crédit, ces derniers ne pouvant être débiteurs du devoir de mise en garde et tenus responsables en cas de non-remboursement de l'emprunteur, dans le seul cas où ce dernier serait non averti. [...]
[...] Ce cas d'engagement de la responsabilité des établissements de crédit a disparu et n'apparait donc ni dans cette loi de 2005, ni à l'article L650-1 du Code de commerce établissant les trois seules hypothèses citées précédemment permettant de voir la responsabilité du professionnel de crédit engagée. [...]
[...] C'est notamment pour trancher cette divergence entre la première chambre civile et la chambre commerciale que deux arrêts ont été rendus par la Cour de cassation réunie en chambre mixte le 29 juin 2007. Dans ces arrêts, la chambre mixte ne reprend pas la référence à l'emprunteur profane (par opposition à l'emprunteur averti) que l'on trouvait dans les arrêts antérieurs. Elle préfère viser l'emprunteur non averti, sans doute pour mieux marquer l'exclusion de toute référence à la qualité de l'emprunteur, et en particulier aux notions plus objectives de professionnel et de non- professionnel que le législateur utilise en matière de protection des consommateurs de crédit. [...]
[...] L'emprunteur non averti bénéficie alors d'une protection importante, ce dernier étant créancier d'un devoir de mise en garde s'il apparait que le prêt est excessif par rapport à ses facultés contributives, comme le précise notamment l'arrêt de la première chambre civile du 12 juillet 2005. L'emprunteur averti quant à lui, ne bénéficie pas d'une telle protection, ce dernier ne pouvant rechercher la responsabilité de la banque qu'en cas d'asymétrie d'information, c'est-à-dire lorsque, par suite de circonstances exceptionnelles, le banquier, ou tout professionnel de crédit avait connaissance d'informations sur la situation financière de l'emprunteur que celui-ci ignorait et qui laissaient supposer qu'il ne pourrait pas rembourser. [...]
[...] Cependant, cette dernière dans trois arrêts du 3 mai 2006 - suivis par plusieurs décisions de la même année (chambre commerciale 20 juin 2006 et 12 décembre 2006) - a notamment précisé les critères d'appréciation de la qualité d'emprunteur averti. Il a ainsi été posé que devait être appréciée in concreto la capacité de l'emprunteur à mesurer les conséquences financières du prêt sollicité, en fonction de ses capacités intellectuelles, de son expérience professionnelle et de la complexité de l'opération. La première chambre civile et la chambre commerciale ne semblaient pas effectuer exactement la même distinction. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture