Cour de Cassation, chambre commerciale, 30 juin 2021, transmission de coordonnées bancaires, paiement, utilisation délibérée, compte, clôture immédiate, article L.312-1 du CMF Code monétaire et financier, débancarisées, BNP Paribas, Banque de France, résiliation, comptes de dépôts, intuitu personae, confiance, marge de manoeuvre, embargo national, blanchiment des capitaux, financement du terrorisme, droit au compte
Le 15 mai 2017, la banque BNP Paribas, désignée par la Banque de France, a ouvert un compte de dépôt à une société bénéficiant du droit au compte. Par lettre recommandée du 14 février 2018, la banque a cependant notifié à la société sa décision de clôturer son compte, sans préavis, en indiquant que le motif de la rupture était un « fonctionnement atypique » du compte.
Le juge des référés a tout d'abord estimé que la clôture du compte constituait un trouble manifestement illicite. Dans une décision du 6 décembre 2018, la Cour d'appel de Grenoble n'a pas remis en cause ce jugement en confirmant l'ordonnance de maintien du compte litigieux. Un pourvoi en cassation est alors formé.
[...] Cour de Cassation, chambre commerciale juin 2021, n° 19-14.313 - La transmission de coordonnées bancaires en vue d'un paiement caractérise-t-il une utilisation délibérée d'un compte pouvant justifier sa clôture immédiate en application de l'article L.312-1 du CMF ? La possession d'un compte en banque apparait aujourd'hui comme une nécessité. En effet, à partir d'une certaine somme, les paiements doivent obligatoirement être effectués par carte bancaire, chèque ou virement, impliquant ainsi le recours nécessaire à un compte en banque. Afin d'éviter la mise à l'écart d'un trop grand nombre de personnes « débancarisées », le législateur a prévu un droit au compte qui donne le droit pour tous à bénéficier d'un compte de dépôt. [...]
[...] En effet, deux conditions doivent être réunies : une opération soupçonnée illégale et une utilisation délibérée du compte. Cette dernière, étant appréciée de manière extrêmement large par la Cour de cassation, les banques ont en la matière une certaine liberté. Concernant la notion « d'opération soupçonnée d'illégalité », l'arrêt démontre également une position en faveur d'une liberté bancaire. La consécration d'une marge de manœuvre importante des banques pour lutter contre la LCB-FT S'inscrivant dans la LCB-FT l'arrêt étudié consacre une large marge de manœuvre des banques en matière de résiliation de compte de dépôt La marge de manœuvre importante des banques Rappelant en partie la procédure protégeant les bénéficiaires du droit au compte, la Cour de cassation ne s'attarde pas sur l'obligation de motivation de la résiliation. [...]
[...] La jurisprudence de la Cour de cassation n'a pas vocation à fragiliser le droit au compte en facilitant la clôture des comptes bénéficiaires, mais uniquement de faciliter le respect, par les banques, des nombreuses obligations auxquelles elles sont soumises. En l'espèce, l'opération litigieuse s'inscrivait notamment dans un contexte géopolitique instable. Une solution inverse aurait poussé la banque dans une situation déconcertante : malgré avoir conscience des opérations illégales réalisées par son client et contraire à la LCB-FT, elle aurait dû respecter une procédure impliquant un préavis de deux mois, préavis suffisamment long pour permettre la réalisation d'autres opérations illégales. Dès lors, le droit au compte ne doit pas empêcher les banques de respecter leurs obligations légales. [...]
[...] Contrairement à l'appréciation des juges du fond, la Cour de cassation estime que la date de l'utilisation délibérée correspond en réalité à la date de la communication, par la société, de ses coordonnées bancaires en vue d'obtenir un paiement. Cette appréciation semble cohérente puisque l'action de la banque dans le processus de paiement réside dans le moment où elle communique ses coordonnées. Dès lors qu'une telle communication a eu lieu, il ne lui appartient plus d'intervenir : elle se retrouve dans une situation passive en attente du paiement. [...]
[...] La Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Grenoble pour défaut de base légale au visa de l'article L. 312-1-IV-1° du code monétaire et financier. Après avoir rappelé la possibilité de résilier unilatéralement un compte de dépôt malgré le droit au compte, les juges allèguent que constitue une utilisation délibérée du compte l'envoie de ses coordonnées bancaires. Dès lors, une telle utilisation réalisée dans le but de réaliser une opération que la banque soupçonne d'être illégale justifie une résiliation du compte de dépôts sans préavis. [...]
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