Cour de cassation chambre commerciale 19 mai 2015, cession de créances en paiement d'une dette non échue, bordereau Dailly, règlement CE 1198/2006, liquidation judiciaire, article L. 632-2 du Code de commerce, nullité de plein droit, hypothèque, cession de créances professionnelles, article L. 632-1 Code de commerce, loi du 2 janvier 1981, article 1188 du Code civil
Par un arrêt rendu le 19 mai 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation annule une cession de créances effectuée via bordereau Dailly au motif qu'elle peut faire partie des nullités de plein droit prévues en droit des entreprises en difficulté, dès lors que cette cession a permis le paiement, en période suspecte, d'une dette non échue. Un armateur avait financé l'achat de son navire de pêche en suscitant un crédit auprès d'une banque, laquelle le lui consent et inscrit une hypothèque maritime sur le navire à titre de sûreté. L'armateur, souhaitant arrêté son activité, demande à bénéficier de l'aide à l'arrêt définitif de l'activité de pêche prévue à l'article 23 du Règlement CE 1198/2006 du 27 juillet 2006 relatif au Fonds européen pour la pêche. Bénéficier de cette aide implique la destruction du navire ainsi que la levée des hypothèques. L'armateur cède alors sa créance (correspondant à cette aide) à la banque.
[...] Seule la date de la cession de créances doit être prise en compte pour déterminer si le paiement est réalisé en période suspecte. Or, différents arrêts rendus sur le fondement de l'article L632-2 du Code du commerce (sur les nullités facultatives) montrent que ce raisonnement n'est pas toujours celui qui est retenu. Sur ce point, la solution n'est pas celle qui est généralement retenue. En ce sens, on pourrait parler de revirement de jurisprudence. Mais en réalité, on peut se demander s'il faut distinguer selon que la nullité est facultative ou de plein de droits. [...]
[...] 4° du Code de commerce (alors que ce serait le cas pour un paiement réalisé par cession de créances de droit commun, délégation de créance ou encore compensation conventionnelle). Cela est évident. Cf la rédaction du texte « 4° Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ». [...]
[...] Il y a une indifférence à l'argument selon laquelle le droit spécial déroge au droit général : ici le rejet de l'argument se comprend, le droit spécial et général n'a pas le même domaine, donc il n'y a pas de dérogation, mais d'application distributive des deux droits. Nous avons évoqué précédemment la réponse aux arguments du cessionnaire, qui paraissaient également fondés juridiquement. En réalité, c'est la solution à laquelle aboutit ce raisonnement, apparaissant pourtant correct juridiquement, qui est très défavorable au cessionnaire : en l'espèce, il doit restituer les sommes reçues avec les intérêts à dater de l'annulation. [...]
[...] La Cour d'appel de Rennes avait prononcé la nullité de la cession de créances, jugeant que le paiement intervenu par l'effet de la cession de créances était nul pour avoir réglé une dette non échue durant la période suspecte. La Cour avait retenu que ce paiement tombait dans le champ de l'article L. 632-1, article frappant de nullité de plein droit tout paiement en période suspecte de dettes non échues, peu en important le mode. La Cour d'appel avait constaté que la banque ne justifiait pas qu'à la date du paiement qu'elle avait reçu, il y avait eu de la part de l'emprunteur une demande de remboursement anticipé ni, faute de déchéance du terme, que la totalité du prêt était devenue exigible. [...]
[...] Cela est conforté par une précision de la Cour de cassation, qui écrit que la cession intervenue en période suspecte est nulle « dès lors qu'elle a pour objet d'éteindre une dette non échue ». La portée de l'arrêt serait donc la suivante : pour l'application de l'article L. 632-1, I du Code du commerce, la date à retenir pour déterminer si le paiement est intervenu en période suspect est la date de la cession de créances. Selon Stéphane Zinty : « la nullité de la cession Dailly s'impose alors quand bien même celle-ci aurait été consentie en exécution d'une convention- cadre signée bien avant la date de cessation des paiements (Cour de cassation, chambre commerciale mai 2015, n° 14- 11.215 ) puisque l'éventuelle bonne foi du cocontractant n'a pas sa place au sein de l'appréciation objective des nullités de droit ». [...]
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