Cour de cassation, chambre civile, 12 juillet 2023, devoir de mise en garde, capacités patrimoniales, emprunt, protection de l'emprunteur, contrat de prêt excessif, prêteur, cour d'appel de Paris, obligation d'information, obligation de conseil, emprunteur averti
L'auteur britannique Thomas Tusser disait : « qui va emprunter va regretter », pour désigner en ce sens les nombreux risques patrimoniaux qu'entrainent la souscription d'un crédit bancaire, ou plus largement de toute offre de prêt. Dans un arrêt rendu en sa première chambre civile le 12 juillet 2023 en réponse au pourvoi n°22-11.321, la Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer à ce sujet, plus spécifiquement concernant les critères spécifiques à son appréciation in concreto pour caractériser la conclusion d'un contrat de prêt excessif par rapport aux capacités patrimoniales d'un emprunteur, n'exemptant aucunement le devoir de mise en garde du prêteur dans ce cas de figure.
[...] À ce titre, dans sa décision du 8 novembre 2023, la Cour de cassation refuse d'étendre le devoir de mise en garde aux crédits dits « in fine », limitant ainsi son champ d'application. Auparavant, par son arrêt du 25 janvier 2023, elle raccourcit le délai de prescription applicable aux actions en responsabilité pour défaut de mise en garde. Ces jurisprudences révèlent ainsi la volonté de la Cour de soulager quelque peu le fardeau pesant sur les établissements prêteurs, facilitant les échanges économiques à l'échelle nationale. [...]
[...] Dans le prolongement de ce souci d'appréciation, dans son arrêt du 4 janvier 2023, la Cour de cassation apporte des précisions importantes sur la caractérisation de l'emprunteur averti lorsqu'il s'agit d'une personne morale : en effet, elle juge que les compétences doivent s'apprécier au regard du représentant légal et détaille les critères à prendre en compte pour qualifier ce dernier d'emprunteur averti. La même année, la haute juridiction judiciaire avait donc retenu l'importance de la qualification in concreto du niveau d'avertissement de l'emprunteur, pour pourtant l'ignorer totalement ici, démontrant une incohérence de la jurisprudence lorsqu'une obligation est basée sur des critères totalement subjectifs, laissant une marge d'appréciation trop importante au juge. [...]
[...] En délimitant plus strictement le contenu de l'obligation d'information et en prolongeant le délai dont dispose l'emprunteur pour agir, elle fait preuve d'un souci d'équilibre entre les droits du consommateur et les contraintes du secteur bancaire : puisque le consommateur est censé être considéré comme la partie « faible », en particulier dans un contrat de prêt puisqu'il est celui qui devient débiteur à l'issue de la conclusion, il est nécessaire de faire subsister un certain nombre de règles pour que celui-ci ne voie pas son affaiblissement renforcé, créant un déséquilibre entre les parties. Néanmoins, une limitation excessive du champ d'application de cette obligation risquerait de dénaturer l'esprit même des règles protectrices du Code de la consommation en matière bancaire, ces dispositions visant justement à compenser le déséquilibre entre le prêteur professionnel et l'emprunteur profane, partie réputée faible au contrat. [...]
[...] Le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte de chance de ne pas contracter. Le délai de prescription pour la mise en jeu de la responsabilité du banquier est de 5 ans au regard de l'article L110-4 du Code de commerce. Le législateur a consacré officiellement le devoir de mise en garde au bénéfice de l'emprunteur de crédit à la consommation sous la forme d'une obligation d'explication destinée à permettre à l'emprunteur en question de déterminer si son contrat est adapté à ses besoins et à sa situation financière, mais ce n'est pas le seul critère normalement Le silence étonnant du juge sur la caractérisation d'un emprunteur averti Pourtant ignoré au sein cet arrêt, le devoir de mise en garde du prêteur ne s'applique pas de manière uniforme à l'ensemble des emprunteurs : en effet, la jurisprudence établit traditionnellement une distinction entre l'emprunteur averti et l'emprunteur profane depuis un arrêt rendu en sa chambre mixte le 29 juin 2007. [...]
[...] Ainsi, il convient de s'interroger sur le sujet suivant : le devoir de mise en garde peut-il être limité seulement par les capacités patrimoniales de l'emprunteur ? Dans un arrêt rendu en sa première chambre civile le 12 juillet 2023 en réponse au pourvoi n°22-11.321, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi précité, formé par les héritiers d'un des emprunteurs. En effet, la haute juridiction judiciaire estime que le crédit consenti ne devait pas être considéré comme excessif dans la mesure où il restait aux emprunteurs des restes à vivres suffisants hors charges pour rembourser les mensualités du crédit pendant la période relai et pendant la période d'amortissement, y compris dans les années où les cotisations d'assurance étaient des plus élevées. [...]
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