La jurisprudence consacrait normalement une obligation de restitution au banquier réceptionnaire des fonds suite à un transfert de créance par bordereau, l'arrêt du 4 juillet 1995 marque un net revirement.
En l'espèce, la société MAT a cédé à la Société de banque occidentale (la SDBO), selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981, trois créances, dont une sur le CHU Bichat, une autre sur l'Institut national de l'audiovisuel (INA), et une troisième sur la Marine nationale. Cette société a été mise en redressement judiciaire et la SDBO a alors réclamé le paiement du montant des créances au Crédit commercial de France (le CCF) qui avait inscrit au compte courant de la société MAT, les sommes reçues des trois débiteurs.
La cour d'appel accueille la demande la SDBO en retenant que le CCF ne prouvait pas qu'il ait acquis, avant la SDBO les créances sur le CHU Bichat et l'INA. L'arrêt retient que le CCF banque réceptionnaire de ces paiements, versés au crédit du compte courant de la société MAT dans ses livres, ne peut opposer à la SDBO le principe de l'indivisibilité du compte courant, ni son rôle de simple « teneur de livre », et qu'il ne peut s'opposer à la restitution des fonds acquis par celle-ci, en soutenant que les sommes reçues, inscrites au crédit du compte courant de la société MAT en constituent désormais des articles formant un tout indivisible.
La banque cessionnaire de la créance peut-elle exiger la restitution des fonds versés à la banque réceptionnaire qui les a encaissés ?
[...] L'absence d'obligation de restitution des fonds aurait pu être recherchée dans les dispositions de la loi bancaire de 1984. En effet, son article 2 énonce que sont considérés comme fonds reçus du public les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte, mais à la charge pour elle de les restituer Le banquier réceptionnaire recueille des fonds sous la forme de dépôts de la part du débiteur cédé, il peut donc en disposer librement en les inscrivant au crédit du compte courant de son client. [...]
[...] Une solution attendue et logiquement approuvée malgré quelques remarques La solution a dans un premier temps surpris car les juges du fond s'étaient conformés à la position traditionnelle de la Cour de cassation décidant, en vertu de l'article 4 al 1er de la loi du 22 janvier 1981, que la cession transférant au cessionnaire la propriété de la créance cédée prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau, que le banquier réceptionnaire des fonds devait les restituer au cessionnaire. [...]
[...] Il faut également préciser que la Cour de cassation ne pouvait que refuser au banquier cessionnaire la possibilité d'exiger la restitution des sommes perçues. Aucun fondement juridique ne pouvait ici être invoqué avec succès par le SDBO. Elle ne pouvait pas invoquer son droit de propriété sur les créances cédées puisqu'elles avaient été éteintes par les différents paiements ; elle ne pouvait non plus agir en se fondant sur le droit de propriété qu'elle aurait eu sur les fonds qui avaient été remis au CCF, ceux-ci étant des choses fongibles et consomptibles étaient nécessairement devenus, lors des paiements, la propriété du CCF. [...]
[...] En rétablissant une cohérence fondamentale, le présent arrêt restaure l'empire de la théorie, pure, des obligations : le civil tient le bancaire en l'état. Cependant, il faut apporter quelques tempéraments à l'apport logique et attendu de notre décision. La solution retenue ici ne peut d'abord pas être étendue à l'hypothèse où deux banques bénéficient successivement d'une cession par bordereau Dailly de la même créance et où le bénéficiaire de la seconde cession a seul été payé. Il faut ensuite ajouter que malgré cette nouvelle position de la Cour de cassation, l'avenir du dailly n'est pas éclairci puisque si les établissements de crédit réceptionnaires peuvent approuver cette décision, les cessionnaires ont une nouvelle raison de se défier de cette institution. [...]
[...] La Cour de cassation opère un réel revirement de jurisprudence en déclarant que le CCf avait reçu les paiements litigieux au nom et pour le compte de la société MAT, qui en était destinataire, de sorte qu'il n'était pas tenu à restitution envers la SDBO Le visa de l'arrêt fait référence aux articles 1937 et 1993 du Code civil relatifs au mandat et au dépôt, il tient donc compte des rapports civilistes entre les parties. En effet, l'arrêt s'en tient uniquement aux relations unissant le titulaire du compte à l'établissement réceptionnaire des fonds. Ce dernier est à juste titre considéré comme un dépositaire. Le banquier récepteur des fonds n'a et ne revendique en fait aucun droit sur la créance cédée, il a reçu une somme d'argent en dépôt, somme d'argent que, dans le cas le plus fréquent, il détient en exécution d'un mandat. [...]
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