La carte bancaire est aujourd'hui devenue l'un des moyens de paiement le plus courant dans notre société. On estime que pour l'année 2005 les cartes de paiement ont contribué à hauteur de 25 % des profits du secteur de la banque de détail.
La popularité croissante de la carte de paiement entraîne de nombreux changements sur le plan juridique notamment sur la responsabilité en cas d'utilisation frauduleuse.
C'est dans ce contexte de croissance du volume des transactions par carte qu'interviennent les décisions du 2 octobre 2007 et du 28 mars 2008.
L'arrêt du 2 octobre 2007 marque une évolution dans la jurisprudence traditionnelle de la cour de cassation.
En l'espèce, il s'agissait d'une cliente d'une banque qui avait perdu sa carte de paiement un 9 avril et avait fait opposition dès le lendemain. La carte volée a servi par la suite à effectuer des prélèvements d'un certain montant, avec utilisation du code confidentiel. Ce dernier détail permit à la banque de conclure à une négligence coupable de sa cliente et de lui faire supporter en définitive la charge financière des opérations frauduleuses.
La cliente saisit alors le Tribunal d'instance de Roanne qui, le 5 juillet 2005, condamne la Poste à restituer la somme de 2 742 euros.
La banque forme un pourvoi en cassation. Elle argue qu'il incombe à la cliente, engagée par contrat, de conserver aussi bien la carte que le code confidentiel. La cliente se doit également de prouver qu'elle n'a pas commis de faute lourde.
Un problème similaire s'est posé par un arrêt du 28 mars 2008.
Une cliente d'un établissement de crédit avait souscrit un contrat assorti d'une carte de crédit. Ayant constaté que des retraits d'espèce avaient été effectués sur son compte à son insu, loin de son domicile, au moyen de la carte et du code établis à son nom, la cliente a formé opposition et déposé plainte. Elle conteste devoir supporter les prélèvements opérés avant opposition.
Un pourvoi est formé devant la cour de cassation.
La question qui se pose au regard de ces deux arrêts est simple: qui du banquier émetteur ou du client utilisateur supporte la charge des opérations frauduleuses effectuées par un tiers avant opposition au moyen d'une carte volée ?
La Cour va juger dans les deux décisions qu'il y a eu violation de l'article L. 132-3 du code monétaire et financier en attribuant à la cliente la charge de la preuve d'une opération frauduleuse.
[...] La notion d'opposition apparaît en revanche dans l'arrêt du 28 mars 2008. La Cour précise que le porteur doit faire opposition dans les meilleurs délais compte tenu de ses habitudes d'utilisation de cette carte Une opposition tardive serait considérée comme une négligence constituant une faute lourde. La cour n'a pas voulu exempter le porteur de toute responsabilité. Elle fait peser sur lui l'obligation d'effectuer la mise en opposition dans les meilleurs délais. Ce délai relève de l'appréciation du juge. On a là un début de définition de la faute lourde qui faisait défaut à l'arrêt du 2 octobre 2007. [...]
[...] Pour autant, cette notion doit, compte tenu de la place que lui attribue la loi dans le système des cartes bancaires, être soumise au contrôle de la Cour de cassation. Les décisions rendues par la Cour de cassation sont largement influencées par la loi sécurité quotidienne du 15 novembre 2001. Ces décisions collent à l'évolution de notre société. Le système moderne de paiement par carte à puce se veut sécurisé. La sécurité est une notion toute relative si l'on regarde la multiplication des opérations frauduleuses. [...]
[...] La Cour de cassation se devait donc d'intervenir et de rétablir un équilibre entre la responsabilité de l'émetteur et du titulaire. II) Une décision motivée par la nécessité d'un équilibre entre la responsabilité de l'émetteur et du titulaire La carte bancaire est très largement diffusée de nos jours. Prenant en compte la vulnérabilité d'un tel moyen de paiement, la cour va instaurer un équilibre des responsabilités entre l'émetteur et le titulaire de la carte. Cet équilibre va obligatoirement affecter l'obligation contractuelle de l'émetteur Dans le même temps, elle conditionne la responsabilité du porteur au temps de l'opposition Un équilibre affectant l'obligation contractuelle L'attribution de la charge des prélèvements illicites effectués au moyen d'une carte perdue ou volée a d'abord été réglée par la convention conclue entre le banquier émetteur et son client utilisateur, avant que la loi du 15 novembre 2001 ne vienne poser l'article L. [...]
[...] La fin de la présomption de responsabilité pesant sur le titulaire de la carte Les arrêts du 2 octobre 2007 et du 28 mars 2008, que certains auteurs ont pu qualifier de consuméristes marquent la fin de la présomption de responsabilité pesant sur le titulaire d'une carte bancaire. La cour de cassation vient en effet se placer du côté du consommateur en transférant dans un premier temps la charge de la preuve du titulaire à l'émetteur et en réfutant dans un second temps l'usage du code confidentiel comme constitutif d'une faute lourde Le renversement de la charge de la preuve transférée du titulaire de la carte à l'émetteur La Cour règle la question de la charge de la preuve : il incombe au banquier émetteur qui invoque une faute lourde d'en rapporter la preuve. [...]
[...] On comprend vite la portée de cet arrêt mettant en évidence l'importance du temps de l'opposition. La présomption de responsabilité pesant sur le titulaire de la carte ayant disparu, c'est à la banque de prouver la faute lourde de son client. Prouver une telle faute est difficile et la seule preuve tangible et accessible à la banque reste le délai de l'opposition. Cette opposition, négligée par l'arrêt du 2 octobre 2007, est susceptible de devenir le centre de tout le contentieux ayant attrait à la carte bancaire. [...]
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