On sait que l'affectation des fonds oblige en principe le banquier, que ceux-ci soient empruntés ou simplement remis, et engage éventuellement sa responsabilité si les fonds sont utilisés à d'autres fins que celle prévue dans la convention d'affectation. Le présent arrêt, rendu à propos d'un banquier dépositaire de fonds remis en vue d'une prise de participation par voie d'augmentation de capital, en est une nouvelle illustration.
Celle-ci ne manquera pas de retenir l'attention des banquiers. Déjà parce que le contentieux en matière d'affectation n'est pas très abondant. Mais aussi, pour ses conséquences sur les diligences qu'ils doivent accomplir lorsque les fonds sont affectés à une opération sur capital.
Une SARL à capital variable avait en l'espèce adressé un « projet » de protocole d'accord à une SA qui prévoyait l'entrée de la seconde dans le capital de la première, à hauteur de 5 %, moyennant la somme de 200 000 €, avant de demander à sa banque la création d'un sous-compte spécialement affecté à la réception des fonds versés au titre de cette opération. La banque s'exécute et émet un RIB portant notamment la mention « Augmentation de capital ».
Quelques jours plus tard, la SA donne l'instruction à sa propre banque d'effectuer un virement de 200 000 € sur le sous-compte affecté de la SARL qui lui avait été ainsi désignée ; cette demande portant elle-même la référence de la prise de participation.
[...] La situation, pour chacun de ces trois termes, aurait pu tout aussi bien conduire les juges à retenir une autre solution ici. Le banquier qui méconnaît l'affectation en acceptant de débloquer prématurément les fonds affectés engage certainement sa responsabilité. Si d'autres responsabilités paraissent pouvoir être envisagées, ce n'est peut- être pas celles qui ont eu ici la préférence des juges. Quoi qu'il en soit, l'arrêt du 21 janvier 2010 est de nature à susciter de nouveaux comportements chez les banquiers impliqués dans des opérations sur capital. [...]
[...] En devant, préalablement à la mise à disposition des fonds, s'assurer de la bonne exécution de l'opération, ils feraient bien d'exiger désormais de celui qui en est destinataire les justificatifs de sa réalisation, et en cas de doute, se rapprocher de l'apporteur des fonds. [...]
[...] Ferrand Considérant qu'en application de l'article L. 223-22 du Code de commerce, le gérant d'une société à responsabilité limitée est responsable envers les tiers de sa faute personnelle extérieure à son activité de gestion ; Considérant que ne présente ce caractère que la faute intentionnelle d'une gravité particulière et incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; Or considérant que M. Ferrand, en demandant à la banque de virement d'une somme spécialement affectée sur le compte-courant de l'entreprise qu'il dirigeait, alors qu'il estimait que la société Infogrames Entertainment prolongeait anormalement les pourparlers précontractuels, au-delà du délai qu'elle avait elle-même défini, s'il a commis une faute, n'a pas commis une faute détachable de sa fonction, de nature à engager sa responsabilité personnelle ; Considérant par ailleurs qu'il doit être constaté qu'aucune des autres fautes alléguées par les sociétés Infogrames Entertainment et Monte Paschi Banque, notamment le fait d'avoir survalorisé frauduleusement la société Luditech, n'est démontré par quelque pièce que ce soit produite aux débats ; Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de débouter les sociétés Monte Paschi Banque et Infogrames Entertainment de leurs demandes à l'encontre de M. [...]
[...] Il est maintenant bien établi que le banquier ne peut, sans engager sa responsabilité, changer l'affectation donnée aux fonds versés. Il ne peut le faire ni de sa propre initiative (CA Rennes oct Caisse régionale de Crédit Agricole Boutin : Juris-Data 229003), ni lorsqu'il a reçu mandat pour effectuer certains paiements. Il doit se conformer aux instructions reçues, car sinon sa responsabilité pourrait être recherchée. Le manquement imputable à la banque qui fait échec à l'affectation est en effet de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de son client. [...]
[...] En cas de non- réalisation, sans doute ne pouvait-il se prévaloir de la stipulation projetée prévoyant la restitution au terme d'un mois suivant le jour où les fonds avaient été crédités sur le compte spécial Mais passé le délai de six mois, il pouvait légalement en demander et obtenir restitution. On voit mal dès lors pourquoi il devrait partager la responsabilité du manquement à l'affectation qui, objectivement, n'est imputable qu'au banquier. Le fondement même de ce partage de responsabilité, établi à partir d'un manquement à l'obligation de diligence et de loyauté, est discutable : d'essence contractuelle, ces obligations sont plutôt inhabituelles en matière délictuelle. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture