La cession de créance professionnelle instituée par la loi Dailly du 2 janvier 1981, ayant été conçu comme un mécanisme simplifié de cession de créance, n'est pas soumises aux obligations d'information du débiteur cédé prévues à l'article 1690 du Code civil pour la cession de droit commun. En effet, l'article 4 de la loi Dailly prévoit que le transfert de la créance prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers aux tiers à la date inscrite sur le bordereau. C'est en application de cet article que la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 28 octobre 1986 a tranché un litige opposant un banquier cessionnaire d'une créance par bordereau Dailly à un banquier réceptionnaire qui en a reçu le paiement pour son client cédant de la créance.
En l'espèce, il s'agissait d'un débiteur cédé auquel aucune notification lui faisant obligation de payer entre les mains du cessionnaire n'a été adressé, verse le prix de sa dette à la banque habituelle de son créancier. Celle-ci procède à l'imputation sur le compte courant de son client cédant qui par la suite est placé en redressement judiciaire. Le banquier cessionnaire demande alors au banquier réceptionnaire de lui reverser les fonds. Face à son refus, elle décide l'assigner en paiement.
La Cour d'appel accueille favorablement cette action en revendication et condamne le banquier réceptionnaire à restituer les fonds au banquier cessionnaire en se fondant sur l'article 4 de la loi Dailly, en application duquel la cession lui étant opposable à titre de tiers, il ne pouvait recevoir valablement les fonds. Le banquier réceptionnaire forme alors un pourvoie en cassation.
Il fait grief à la Cour d'appel d'avoir violé l'article 5 de la loi Dailly en vertu duquel en l'absence de notification, le débiteur cédé est en droit de payer entre les mains du cédant duquel elle est mandataire pour appréhender de telles opérations.
La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que l'article 4 de la loi Dailly, emportant opposabilité de la cession aux tiers à la date du bordereau, le banquier cessionnaire était fondé à lui réclamer la restitution dès lors que le revirement opéré par lui sur le compte courant du cédant a été effectué au préjudice du cessionnaire.
Du fait des imperfections de cette solution, la chambre commerciale, à l'occasion de faits similaires, a opéré un revirement de jurisprudence le 4 juillet 1995 en écartant la précédente solution au motif que le banquier réceptionnaire a reçu le paiement litigieux au nom et pour le compte du cédant qui en était destinataire de sorte qu'il n'est pas tenu à restitution envers le banquier cessionnaire.
Les deux solutions successivement retenues par la Cour de cassation, mettent en exergue toute la difficulté qu'elle a pu rencontrer à concilier une protection efficace des intérêts du banquiers cessionnaire confronté à un cédant en faillite (I) avec le respect des droits du banquier réceptionnaire (II).
[...] Le banquier réceptionnaire forme alors un pourvoie en cassation. Il fait grief à la Cour d'appel d'avoir violé l'article 5 de la loi Dailly en vertu duquel en l'absence de notification, le débiteur cédé est en droit de payer entre les mains du cédant duquel elle est mandataire pour appréhender de telles opérations. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que l'article 4 de la loi Dailly, emportant opposabilité de la cession aux tiers à la date du bordereau, le banquier cessionnaire était fondé à lui réclamer la restitution dès lors que le revirement opéré par lui sur le compte courant du cédant a été effectué au préjudice du cessionnaire. [...]
[...] Le second mandat résulte de la convention de compte courant liant le cédant et le banquier réceptionnaire. L'arrêt du 4 juillet 1995 met un terme à ces critiques en visant l'article 1993 du Code civil. Il exclut définitivement l'action en revendication en le confrontant à l'existence du double mandat. L'arrêt invite ainsi le cessionnaire à se prévaloir de l'action directe prévue à l'article 1994 deuxième alinéa du Code civil en vertu duquel le mandant peut agir directement contre le banquier réceptionnaire mandataire substitué du cédant. [...]
[...] L'application de la théorie de la double limite n'ouvre droit à l'action directe du mandant cessionnaire contre le mandataire substitué réceptionnaire que dans la limite, d'une part, de ce qui lui est dû par le mandant intermédiaire cédant, et d'autre part, dans la limite de ce que doit le réceptionnaire au mandant intermédiaire cédant. La première limite ne pose aucune difficulté dans la mesure où le cédant est garant du prix de la créance au cessionnaire. En revanche, la seconde limite peut être susceptible de remettre en cause la possibilité pour le cessionnaire de récupérer le prix de sa créance si le réceptionnaire n'est plus créancier du cédant. Dès lors, le cessionnaire ne pourra rien lui réclamer. [...]
[...] Il semble même que dans le cadre de la cession par bordereau Dailly on puisse réduire le cercle des tiers au sens de cet article 4 aux seules personnes qui se prévalent d'un droit concurrent sur la créance cédée. Seule cette interprétation raisonnée de la notion de tiers permet la conciliation des droits et obligations de toutes les parties en présence, en respectant les droits du banquier réceptionnaire sans lui imposer d'obligation de restitution infondée à l'égard du banquier cessionnaire. [...]
[...] En conséquence, le banquier cessionnaire, par le biais de son action, essaie en fait d'appréhender les fonds et non la créance elle-même qui n'existe plus. Il s'opérait donc une subrogation réelle entre la créance et les fonds or en principe il ne peut y avoir de subrogation réelle sans texte. En toute rigueur, le banquier cessionnaire aurait du être déclaré irrecevable à revendiquer les fonds. D'autre part, la solution retenue en 1986 fait peu de cas de l'existence d'un double mandat. Le premier mandat a pour mandant le cessionnaire à l'égard du cédant du fait de l'absence de notification au débiteur cédé. [...]
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