L'arrêt de la Première Chambre Civile Alessandrini contre Banque Tarneaud en date du 26 novembre 2002 illustre une nouvelle fois l'infiltration du droit de la consommation dans toutes les branches du droit, et particulièrement dans le droit bancaire.
En l'espèce, Monsieur Alessandrini avait ouvert un compte courant auprès du Crédit du Nord et signé à cet effet une convention autorisant l'utilisation du compte en position débitrice. Après un fonctionnement à découvert, le compte est clôturé à l'initiative de la banque. Le solde définitif du compte est débiteur. En effet, le compte courant est une convention par laquelle deux personnes qui sont périodiquement créancières et débitrices réciproques, font figurer leurs créances et dettes en articles de compte indivisibles, seul le solde étant dû après clôture.
La banque poursuit donc le recouvrement du solde définitif débiteur devant le Tribunal de Grande Instance. Son client lui oppose alors l'incompétence du tribunal et la forclusion de l'action par application de l'article L311-37 du Code de la Consommation, selon lequel « les actions en paiement engagées (…) à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ». Or ce texte ne trouve à s'appliquer que si l'opération en cause entre dans le domaine des articles L311-2 et suivants du Code de la Consommation qui régissent certaines opérations de crédit à la consommation. La cour d'appel de Rennes le 29 octobre 1998 rejette l'argumentation de Monsieur Alessandrini et fait droit à l'établissement de crédit pour obtenir un remboursement du solde débiteur. La cour d'appel estime en effet que les dispositions relatives au crédit à la consommation ne peuvent s'appliquer à une convention de compte courant en l'absence d'une convention distincte d'ouverture de crédit.
Monsieur Alessandrini forme alors un pourvoi devant la Cour de Cassation. Il reproche à la cour d'appel d'avoir accueilli l'action de la banque alors que selon lui, des avances de fonds consenties par une banque pendant plus de trois mois sont constitutives d'une ouverture de crédit soumises aux dispositions du Code de la Consommation. La cour, en ne procédant pas à cette qualification malgré la constatation du fonctionnement à découvert pendant plus de trois mois, n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations et aurait ainsi violé les articles L311-2 et suivants du Code de la Consommation. La question posée à la Cour de Cassation est de déterminer si un découvert en compte courant peut être qualifié d'ouverture de crédit et se voir ainsi appliquer les dispositions protectrices du Code de la Consommation. A cette interrogation la Cour répond par la négative. Selon elle, la souscription d'un compte courant accompagnée d'une convention distincte d'autorisation de découvert démontre la volonté des deux parties de s'engager dans une opération complexe. Ainsi, le seul fonctionnement à découvert du compte ne démontre pas l'existence d'une convention distincte d'ouverture de crédit, ce qui, s'agissant d'un compte courant, exclue l'application des textes consuméristes.
L'ouverture de crédit est réglementée par la loi Scrivener du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs. Cette loi a été intégrée dans le Code de la Consommation aux articles L311-1 et suivants. Pour la doctrine habituellement un découvert en compte constitue une ouverture de crédit telle que régie par ces articles, dès lors que le découvert consenti ne répond pas à l'une des causes d'exclusion énoncées par l'article L311-3 : en particulier, le découvert doit être supérieur à trois mois et d'un montant inférieur à 21500€. Toutefois, depuis quelques années, la jurisprudence tend à préciser les contours de l'application des dispositions protectrices du consommateur, en la restreignant notamment en ce qui concerne le compte courant. Cette tendance est nettement affirmée dans l'arrêt du 26 novembre 2002. La pertinence de cette exclusion peut cependant être remise en question, que ce soit dans ses fondements ou dans les conséquences qu'elle entraîne.
C'est ainsi que nous étudierons dans un premier point la justification de l'exclusion des dispositions relatives au crédit à la consommation (I) pour aborder ensuite dans un second point les conséquences de cette exclusion (II).
[...] En effet, la solution de l'arrêt du 26 novembre 2002 est en définitive favorable aux banques. B. Une solution favorable aux banques : En ne concluant pas de convention distincte d'ouverture de crédit, les banques échappent à l'application des dispositions relatives au crédit à la consommation, comme le montre la solution de l'arrêt du 26 novembre 2002. Elles sont donc ainsi épargnées d'une réglementation assez contraignante L'absence de formalisme préalable : Les articles L311-9 et L311-14 alinéa 2 du Code de la Consommation aménagent les règles relatives à l'offre préalable. [...]
[...] La justification de l'exclusion des dispositions relatives au crédit à la consommation Dans cet arrêt, la Première Chambre Civile refuse d'appliquer les dispositions relatives au crédit à la consommation au compte courant. Elle pose ainsi des conditions que le Code de la Consommation ne prévoit pas en se fondant sur les spécificités du compte courant. A. L'interprétation des dispositions du code de la consommation Le Code de la Consommation aux articles L311-2 et suivants met en place le régime de l'ouverture de crédit, notamment en ce qui concerne la protection du consommateur de crédit. [...]
[...] En conséquence, en rejetant l'application des dispositions relatives à l'ouverture de crédit pour le compte courant, la Cour de Cassation prive le titulaire du compte de ces avantages très forts. Les banques ne peuvent que s'en réjouir : elles ne sont pas soumises au formalisme de l'offre préalable et elles ne perdront pas leur droit aux intérêts en présence de conventions d'autorisation de découvert le plus souvent tacites L'absence de délai de forclusion : Dans l'arrêt du novembre 2002, Monsieur Alessandrini invoquait la forclusion de l'action du banquier. [...]
[...] L'ouverture de crédit est réglementée par la loi Scrivener du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs. Cette loi a été intégrée dans le Code de la Consommation aux articles L311- 1 et suivants. Pour la doctrine habituellement un découvert en compte constitue une ouverture de crédit telle que régie par ces articles, dès lors que le découvert consenti ne répond pas à l'une des causes d'exclusion énoncées par l'article L311-3 : en particulier, le découvert doit être supérieur à trois mois et d'un montant inférieur à 21500€. [...]
[...] La jurisprudence a répondu par l'affirmative, en distinguant toutefois à l'intérieur des découverts La nécessité d'une convention distincte : Dans l'arrêt du 26 novembre 2002, la Première Chambre Civile pose l'exigence d'une convention distincte d'ouverture de crédit pour l'application des dispositions du Code de la Consommation. Cette exigence est classique : dans un avis du 9 octobre 1992 la Cour de Cassation s'est prononcée en faveur de l'application des dispositions de la loi Scrivener aux découverts en compte. Elle a ensuite nuancé cette position dans un arrêt Médina contre Banque Rhône-Alpes du 27 février 1996 : elle exige désormais que soit rapportée la preuve de l'existence d'une convention distincte de celle afférent à l'ouverture du compte pour requalifier un découvert en compte courant en ouverture de crédit. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture