Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 30 mai 2000, révocation d'une ouverture de crédit, émission d'un chèque
La société Kessler a émis le 7 et le 27 octobre 1991 deux chèques tirés sur la banque CIAL au profit de la société Edib. Celle-ci a présenté les chèques à l'encaissement le 27 mai 1992 c'est-à-dire après la révocation par la banque de l'autorisation de découvert qu'elle avait consentie à la société émetrice et à la mise en redressement judiciaire de la société Kessler.
La banque CIAL a refusé le paiement des chèques en raison de la liquidation judiciaire de la société Kessler et de l'absence de provision.
La banque CIAL a été déboutée de sa demande par la Cour d'appel de Colmar le 18 juin 1996, et a alors formé un pourvoi en cassation.
[...] En conséquence, on peut dire que la révocation de l'ouverture de crédit n'opère pas rétroactivement au regard des chèques émis antérieurement. Il semble en définitive que le bénéficiaire du chèque soit largement protégé au détriment du banquier lequel se trouve dans une situation précaire. II la situation précaire du banquier La chambre commerciale établit un parallèle entre le fait du tireur qui procède à des retraits amenuisant la provision et le fait du tiré qui révoque l'autorisation de découvert après l'émission du chèque, parallèle qui n'aboutit pas à la même situation concernant l'obligation de paiement par la banque Le fait de la banque tiré a pour conséquence que le banquier est tenu de payer et aboutit à une situation dangereuse dissuadant les banquiers de conclure des autorisations de découvert par peur de ne pouvoir les révoquer valablement A. [...]
[...] Toutefois, si cette provision existait bel et bien au moment de l'émission des chèques, celle-ci peut être amenée à devenir insuffisante suite à la révocation de manière unilatérale de l'autorisation de découvert à son client, mais ne saurait pour autant préjudicier au bénéficiaire lequel a acquis la propriété de la provision dès l'émission du chèque antérieure à la révocation du banquier. En ce sens le bénéficiaire acquiert la propriété inamovible de la provision puisque même la révocation par le banquier de l'ouverture de crédit ne le prive de son paiement dès lors qu'elle intervient après l'émission. B. L'acquisition inamovible de la provision par le bénéficiaire et le refus d'atteinte à ses droits sur celle-ci Le paiement du chèque est obligatoire pour le tiré si la provision est suffisante et s'il n'a pas reçu d'opposition. [...]
[...] En conséquence, les chèques tirés avant la révocation du crédit doivent être honorés par le banquier tiré. L'autorisation de découvert est presque irrévocable par le banquier. En effet, soit il révoque avant l'émission et ne risque rien soit il révoque après et est donc condamné au paiement. Ces deux seules portes de sorties sont l'insuffisance du solde résultant de retraits du client et la révocation de l'autorisation de découvert avant l'émission du chèque. Cela menace le droit du crédit et risque à terme de dissuader les banquiers de consentir des autorisations de découvert. [...]
[...] I Le transfert définitif de la provision au bénéficiaire dès l'émission grâce à une autorisation de découvert Le chèque suppose l'existence d'une provision dès l'émission, cette condition était en l'espèce remplie grâce à une autorisation de découvert consentie au client au moment de l'émission Cette émission opère transfert de la provision au bénéficiaire, celui-ci l'acquiert de manière inamovible puisque la révocation par la banque de l'autorisation de découvert après l'émission ne saurait lui porter préjudice A. l'exigence de provision satisfaite lors de l'émission par l'autorisation de découvert La provision est la créance du tireur sur le tiré. La provision doit exister lors de l'émission du chèque, sous peine de constituer un chèque sans provision. Or, l'émission de chèque sans provision est interdite. Cette condition d'existence de la provision lors de l'émission du chèque était parfaitement remplie en l'espèce puisque l'autorisation de découvert était acceptée par le banquier. [...]
[...] La chambre commerciale de la Cour de cassation refuse de porter préjudice aux droits acquis par le bénéficiaire sur la provision. En effet, elle énonce la révocation ultérieure de ce découvert ne pouvant préjudicier au bénéficiaire du chèque Cela se comprend amplement parce que l'émission opère un transfert de propriété de la provision au bénéficiaire du chèque. Ainsi, dès l'émission le bénéficiaire acquiert des droits sur la provision. En conséquence, admettre la révocation ultérieure de l'autorisation de découvert ayant permis la constitution de la provision n'est pas concevable dans la mesure où la provision a déjà été transmise au bénéficiaire et n'est plus dans le patrimoine du tireur. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture