La lettre de change, qui est un instrument de crédit, existe depuis des siècles maintenant, contient deux types de rapports juridiques indépendants, en principe, l'un de l'autre ; les rapports dits cambiaires naissent avec la lettre de change, et les rapports dits fondamentaux préexistent à la lettre de change. L'arrêt de rejet rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 16 janvier 2001 est une parfaite illustration de cette parfaite autonomie entre ces deux droits.
Toutefois, certaines perturbations peuvent affecter l'étanchéité entre rapports cambiaires et rapports fondamentaux, rendant ainsi plus complexe leur ordonnancement juridique, et c'est en cela que l'arrêt étudié rend une décision claire sur cet ordonnancement et le respect de cette autonomie.
En l'espèce, le tiré de deux lettres de change, tirées par une société de matériel agricole, refusait de payer le porteur bénéficiaire à l'échéance, la banque de la société tireur, en contestant l'authenticité de la signature d'acceptation et en prétendant avoir déjà payé le matériel agricole livré. Dès lors, la Banque, porteuse et bénéficiaire des lettres de change, assigne en paiement le tiré, lequel fut condamné tant en première instance qu'en appel.
Deux problèmes de droit se posent ici à la cour de cassation : le premier étant de chercher à savoir si le fait qu'une acceptation soit viciée (fausse) entache la lettre de change de nullité, ce qui fait tomber les recours du droit cambiaire, permettant ainsi au tiré d'échapper à l'exécution de son obligation de paiement. En d'autres termes, l'acceptation vicié qui entache le droit cambiaire, entache-t-elle pour autant les recours fondés sur le droit issus des rapports fondamentaux ?
Le second problème qui se pose à la Cour de cassation est de savoir sur qui, du tiré ou du tiers porteur, pèse la preuve de l'existence de la provision à l'échéance.
[...] De plus, l'acceptation viciée n'a aucune influence sur le droit issu des rapports fondamentaux, et donc sur la provision qui si elle est prouvée, fait garder à la lettre de change sa validité. Le vice entachant l'acceptation d'une lettre de change fait s'éteindre uniquement les rapports cambiaires, laissant ainsi place aux recours fondés sur les rapports d'obligations fondamentaux et plus particulièrement sur la provision Quant à la provision, son existence doit être prouvée à l'échéance d'une lettre de change, preuve qui incombe au tiers porteur (II). [...]
[...] Cependant bien que les rapports cambiaires occultent les rapports fondamentaux, il ne faut pas pour autant les oublier. En effet, loin de détruire la créance antérieure, le droit cambiaire vient s'ajouter pour la renforcer. Ainsi, le droit cambiaire et les rapports fondamentaux jouent tous deux un rôle de garantie au bénéfice du porteur. En l'espèce, le droit cambiaire est éclipsé en faveur du droit des rapports fondamentaux. La cour d'appel, confirmée par la cour de cassation estime que l'acceptation bien que fausse, n'influe pas sur le droit des rapports fondamentaux sur lequel les juges se fondent pour condamner le tiré au paiement de la lettre de change (du fait donc de l'autonomie des deux rapports). [...]
[...] Cependant, droit cambiaire et droit issus des rapports fondamentaux sont complètement autonomes l'un par rapport à l'autre, même si certaines interactions peuvent arriver. L'arrêt du 16 janvier 2001 démontre bien que la provision n'est pas seulement éventuelle, car elle existe, du fait des rapports fondamentaux, mais elle doit être prouvée, mais il démontre surtout que la fausse acceptation n'entraine pas la nullité de la traite, et n'interagit pas avec les rapports fondamentaux, tous deux ayant leur propre sphère d'action . [...]
[...] En l'espèce, l'acceptation donnée était fausse, mais même s'il n'y avait pas eu d'acceptation, le tiré aurait été, sauf cas particulier, dans l'obligation de payer la traite, au nom des rapports fondamentaux qui suivent la lettre de change et se transmettent avec elle aux porteurs successifs. Toutefois, malgré cette totale indépendance, acceptation et provision ont tout de même un lien. En effet, même si l'acceptation n'est pas obligatoire, elle présume la provision, sans pour autant être vitale à cette dernière. [...]
[...] En d'autres termes, l'acceptation viciée qui entache le droit cambiaire, entache-t-elle pour autant les recours fondés sur le droit issus des rapports fondamentaux ? Le second problème qui se pose à la cour de cassation est de savoir sur qui, du tiré ou du tiers porteur, pèse la preuve de l'existence de la provision à l'échéance. La chambre commerciale rejette le pourvoi aux motifs que la banque porteuse avait bel et bien rapporté la preuve de l'existence de la provision à l'échéance qui lui incombait. [...]
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