Le Code Civil consacra en 1804 le principe de l'autonomie de la volonté en matière contractuelle. Il appartenait ainsi à chaque contractant de se renseigner lui-même. L'industrialisation a engendré un mouvement de standardisation des contrats, la partie la plus forte imposant désormais ses conditions générales à la partie la plus faible, sans possibilité de négociation. Le développement des contrats d'adhésion a fait apparaître la nécessité de protéger la partie la plus faible pour empêcher les abus des contractants les plus forts. Afin de garantir un échange de volontés libres et éclairées, les obligations d'information et de conseil sont apparues, ainsi qu'une tendance de plus en plus répandue, à faire supporter à chaque contractant une obligation d'informer son partenaire contractuel. Le professionnel de crédit ne sort pas indemne de ce mouvement général protecteur des contractants profanes. Bien qu'il soit astreint à un devoir de non-ingérence, le banquier doit conformément au devoir de loyauté, renseigner et conseiller utilement son cocontractant.
La reconnaissance par la Cour Suprême d'une obligation de mise en garde pour le banquier est le fruit d'une longue évolution jurisprudentielle, durant laquelle on a pu voir les chambres civiles et commerciales s'affronter. Dès 1995, la 1re chambre civile imposa au banquier de se soumettre à un devoir de conseil. Celui-ci consistait à mettre en garde les emprunteurs sur l'importance de l'endettement lié aux prêts souscrits. Manquait donc à son obligation de conseil le banquier qui accordait un crédit excessif. La portée et la qualification de ce devoir ont été largement controversées, certains auteurs qualifiant le devoir de conseil consacré par la 1re chambre civile de « devoir négatif », devoir qui s'analysait en une mise en garde. La chambre commerciale dans un arrêt du 18/02/1997 avait de son côté exclu expressément l'existence d'un tel devoir décidant que le banquier n'était « débiteur d'aucune obligation de conseil envers son client », justifiant cette décision par le devoir de non-ingérence du banquier dans les affaires de son client.
Toutefois, dans trois arrêts du 11/05/1999, la chambre commerciale opère une distinction entre emprunteurs profane et averti. La chambre commerciale estima que le devoir de conseil se justifiait à l'égard des personnes ne disposant pas d'informations suffisantes et qui ne seraient pas compétentes pour les exploiter utilement ; ainsi se dégagea le principe de la « symétrie des informations » sur la situation de l'emprunteur. Le banquier qui n'a pas de devoir de conseil envers son client engage seulement sa responsabilité en accordant un prêt dépassant les capacités financières de l'emprunteur alors qu'il avait sur la situation de l'emprunteur des informations que celui-ci ignorait. Enfin, la clarification de la jurisprudence se fit par quatre arrêts de la 1re chambre civile du 12/07/2005, et deux postérieurs du 02/11/2005 et du 21/02/2006. La 1re chambre civile reconnaît la distinction entre averti et profane, instaurant un régime de responsabilité propre à chaque catégorie. De ce fait, lorsque la responsabilité du banquier est recherchée par un emprunteur averti, la 1re chambre civile adopte la solution de la chambre commerciale : l'emprunteur ne peut rechercher la responsabilité de la banque que si cette dernière ne lui a pas transmis une information que lui-même ignorait. Si l'emprunteur est profane, il peut se prévaloir d'un manquement du banquier à son obligation de mise en garde. Implicitement par trois arrêts du 03/05/2006, la chambre commerciale admet l'existence d'un devoir de mise en garde de la banque au bénéfice des emprunteurs profane dont la situation personnelle justifie une protection particulière. Enfin, par 2 arrêts 29/06/2007, la chambre mixte confirme l'existence d'une obligation de mise en garde pesant sur la banque à l'égard des emprunteurs non avertis.
[...] La responsabilité des établissements de crédit est ainsi de plus en plus souvent mise en cause par la jurisprudence dans un souci de protection du client, partie faible au contrat. Attention toutefois à ne pas trop compliquer les relations contractuelles en imposant un formalisme excessif au contrat ; un équilibre doit être trouvé entre responsabilité des établissements de crédit et protection des emprunteurs. Bibliographie Note D. Legeais RTD Com 2008 p 163 Note D. Legeais RTD Com 2007 p 579 LPA 23/05/2008 n°104 p.12 note G. Damy LPA 30/11/2007 n°240 p 22 Note R. Chendeb LPA 18/02/2008 n°35 p 5 note J. [...]
[...] La 1re chambre civile reconnaît la distinction entre averti et profane, instaurant un régime de responsabilité propre à chaque catégorie. De ce fait, lorsque la responsabilité du banquier est recherchée par un emprunteur averti, la 1re chambre civile adopte la solution de la chambre commerciale : l'emprunteur ne peut rechercher la responsabilité de la banque que si cette dernière ne lui a pas transmis une information que lui-même ignorait. Si l'emprunteur est profane, il peut se prévaloir d'un manquement du banquier à son obligation de mise en garde. [...]
[...] Par arrêt du 06/02/2007, la chambre commerciale, financière et économique a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte composée des première et troisième chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et économique. Pour rejeter la demande en dommages et intérêts présentés par Mme Fusco, l'arrêt de la cour d'appel retient que les co-emprunteurs étaient en mesure d'appréhender, compte tenu de l'expérience professionnelle de M. Fusco, la nature et les risques de l'opération qu'ils envisageaient et que la banque qui n'avait pas à s'immiscer dans les affaires de ses clients et ne possédait pas d'informations que ceux-ci auraient ignorées n'avait ni devoir de conseil, ni devoir d'information envers eux La question posée à la Cour Suprême était en réalité double : Il convenait en premier lieu de déterminer si Mme Fusco avait la qualité d'emprunteur averti ou non averti ; et si elle était considérée comme avertie, si le banquier était, ou non, tenu à un devoir de mise en garde envers elle. [...]
[...] Dans un arrêt du 30/10/2007, la chambre commerciale a précisé que la notion d'immixtion était le fait de conférer à la banque un pouvoir de direction sur l'activité de son client 3/l'obligation d'accorder un crédit proportionné aux facultés de remboursement de l'emprunteur Le non-respect du principe de proportionnalité peut être invoqué par l'emprunteur lorsque les crédits octroyés ont un caractère excessif par rapport à leur faculté de remboursement. Un établissement de crédit ne pourra pas se prévaloir d'un engagement qui était manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de l'emprunteur, un engagement qui soit disproportionné par rapport à leurs facultés respectives de remboursement (Cass. [...]
[...] Chendeb Note D. Legeais RTD Com 2007 p 579 LPA 23/05/2008 n°104 p.12 note G. Damy LPA 23/05/2008 n°104 p.12 note G. Damy LPA 30/11/2007 n°240 p 22 Note R. Chendeb LPA 23/05/2008 n°104 p.12 note G. Damy LPA 23/05/2008 n°104 p.12 note G. [...]
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