L'évolution du droit bancaire révèle à la fois l'attachement des professionnels à la transmission de créances en tant que technique de crédit et un effort permanent pour simplifier les techniques. De, fait si le recours aux effets de commerce en tant qu'instrument de crédit a l'avantage de procurer une grande sécurité au créancier (notamment par l'endossement qui opère purge des exceptions à chaque endos), il présente l'inconvénient d'être une procédure lourde et très onéreuse pour les banquiers. C'est la raison pour laquelle la loi Dailly du 2 janvier 1981 désormais codifiée au sein des articles L313-23 et suivant du Code Monétaire et Financier a inventé un procédé susceptible d'opérer la cession de plusieurs créances : le bordereau Dailly. Or, il arrive que le cessionnaire Dailly ne soit pas le seul à invoquer des droits sur la créance cédée. Il entre alors en conflit avec un tiers. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les arrêts du 7 mars 1995 et du 10 mars 1998 rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation.
La première espèce concernait une lettre de change émise par le créancier et acceptée par le débiteur (M.Leduc) à une date indéterminée, alors que le créancier a cédé la créance à un banquier resté extérieur au titre cambiaire. Dans la seconde espèce, la Chambre commerciale devait se prononcer sur la situation d'une personne qui cumulait la double qualité de souscripteur-bénéficiaire (Société France construction), qualité qu'elle avait prise parce que la notification était intervenue après l'acceptation.
Les deux espèces concernent donc des effets de commerce différents. Le premier arrêt porte sur une lettre de change. Cette dernière peut se définir comme l'écrit par lequel une personne, le tireur, invite une deuxième personne le tiré, à payer à une troisième personne, le bénéficiaire ou porteur une somme d'argent à une échéance en général assez proche. La lettre de change fait donc intervenir trois personnes. Le premier arrêt portait quant à lui sur un billet à ordre. Celui-ci présente certaines différences avec la lettre de change dans la mesure où l'acceptation n'existe pas (le tiré se confond avec le tireur), de même il n'y aura pas provision. Dans les deux espèces, la banque cessionnaire réclame le paiement aux débiteurs-cédés.
La chambre commerciale de la Cour de cassation devait répondre dans les deux espèces, au problème de droit suivant : en cas de conflit portant sur la propriété d'une même créance, qui du cessionnaire Dailly ou du porteur d'un effet de commerce doit l'emporter?
[...] Or, dans ce cas, le billet à ordre en tant qu'instrument de crédit perd de son intérêt. En outre, ces deux solutions entament la sécurité qui devrait être la principale vertu d'un instrument de paiement. En effet, il est de principe de considérer que les effets de commerce sont source de sécurité pour les signataires du titre ainsi que pour les tiers( notamment porteur). Cette sécurité impose de conférer aux instruments de paiement un caractère exclusif et irrévocable. En effet, dès lors que les mentions obligatoires de l'article L511-1 sont réunies, le titre devrait se suffire à lui même. [...]
[...] Après l'acceptation, il ne peut plus opposer au tiré le paiement de sa dette. Or, dans l'arrêt du 7 juin 1995, la cession de créances interfère avec l'engagement cambiaire. Cela peut faire douter du caractère exclusif du droit du porteur sur la créance. Certes, le cessionnaire a acquis un droit exclusif sur la créance mais le porteur de bonne foi a aussi droit au paiement. En principe la survenance de l'échéance rend le porteur propriétaire définitif et irrévocable de la provision dès lors qu'elle existe dans son principe(Cass.com 4 décembre 1984). [...]
[...] Dès lors, la Haute Juridiction bien que reconnaissant le principe Prior tempore, potior jure n'en fait pas une application mécanique pour résoudre le conflit opposant un cessionnaire Dailly et le porteur d'un effet de commerce(I);les deux arrêts se rejoignent quant aux conséquences du conflit(II). Le principe Prior tempore, potior jure une solution non mécanique pour résoudre le conflit adage latin, qui renforce le caractère conflictuel du propos, tel César s'écriant veni vidi vici En application du principe Prior tempore, potior jure la priorité doit être donnée aux créanciers dont le titre a été obtenu antérieurement à celui de ses concurrents. [...]
[...] Ainsi, l'arrêt du 7 mars 1995 reconnaît implicitement que le principe prior tempore, potior jure est une solution au conflit, encore faut-il être certain des dates d'acceptation et de notification. L'arrêt du 10 mars 1998 va compléter le premier, en ajoutant une exception au principe(2) L'exception: le bénéficiaire resté porteur Le billet à ordre présente certaines différences avec la lettre de change dans la mesure où l'acceptation n'existe pas(le tiré se confond avec le tireur), de même il n'y aura pas provision. [...]
[...] La Chambre Commerciale de la Cour de cassation dans ses arrêts du 7 mars 1995 et du 10 mars 1998 rejette les pourvois formés par M.Leduc et la Société France construction. Par son arrêt de 1995, la Cour de cassation a jugé qu'il appartenait au tiré d'apporter la preuve de l'antériorité de son acceptation de la lettre de change par rapport à la notification du bordereau. Or, Monsieur Leduc n'apportait pas la preuve de l'opposabilité de son engagement cambiaire au cessionnaire. [...]
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