La qualification juridique des sûretés constituées sur des sommes d'argent au profit d'une banque a suscité une vive controverse. C'est de cette qualification juridique que la chambre commerciale de la Cour de cassation a dû statuer par un arrêt du 6 février 2007.
En l'espèce, un titulaire de plusieurs comptes bancaires débiteurs et un créditeur, avait affectés en garantie au profit de la banque, le solde créditeur de l'un de ses comptes. Par ailleurs, il avait autorisé la banque à effectuer une compensation entre le montant du solde créditeur et celui des soldes des comptes débiteurs à une date initialement fixée au 30 novembre 1996. Mais lorsque l'opération fut effectuée par la banque, le constituant contesta la compensation et sollicita la « restitution de la créance nantie ».
Néanmoins les juges du fond ont débouté le constituant de sa demande ce qui donna lieu au pourvoi du constituant au motif que « l'affectation de fonds inscrits sur un compte spécial à la garantie d'une dette s'analyse comme un nantissement de l'obligation de restitution de la banque envers le constituant », c'est-à-dire en un nantissement de créance ce qui soumettait la garantie au respect des anciens articles 2075 et 2078 du Code civil.
Ainsi la question de droit à laquelle a dû répondre la Cour de cassation était celle de savoir si l'individualisation d'une créance sur un compte bloqué est incompatible avec la qualification d'un gage espèce.
[...] Avant la réforme de 2006, cette clause était interdite en cas de gage ou de nantissement. En effet, selon M. Aynes, le législateur craignait que le créancier n'imposât cette attribution au constituant à un moment ou celui- ci était sous l'empire d'un besoin d'argent, moyennant une estimation inférieure à la valeur de la chose désormais cela est possible, mais les pactes faits antérieurement à la réforme demeurent annulables sauf accord du constituant. En l'espèce le rejet du régime du nantissement a donc son importance puisque le pacte aurait pu être annulé. [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation pose les conditions de la qualification du gage espèce même en cas d'individualisation des biens garantis. En effet, d'une part il faut que ce compte spécial soit un compte ouvert pour la seule commodité des écritures peu important ici que le nom du constituant de la sûreté soit associé à ce compte et d'autre part que les parties aient manifesté leur volonté de conférer au créancier un pouvoir de disposer de la somme donnée en garantie. [...]
[...] Dès lors, la doctrine majoritaire pensait que l'individualisation de la créance permettait la qualification de nantissement. En effet, la créance étant individualisée sur un compte par exemple, celle- ci ne risquait plus de se confondre avec le patrimoine du créancier. Ainsi, la propriété de la créance appartenait toujours au constituant. En effet, le nantissement est simplement une garantie portée sur un bien sans entrainer de transfert de propriété, car le bien n'est pas confondu avec d'autres. Donc, la seule façon de garder la qualification de nantissement pour des choses fongibles ou consomptibles était de les individualiser. [...]
[...] La consécration du gage-espèce distinct du nantissement par la seule volonté des parties Cet arrêt est remarquable du fait qu'il tranche avec le principe selon lequel l'individualisation entraine l'application du nantissement et consacre désormais la possibilité d'un gage-espèce même en cas d'individualisation, du seul fait de la volonté des parties L'individualisation entrainant la qualification de nantissement La réforme du 23 mars 2006 a apporté une grande clarté mettant fin à l'amalgame qui était fait entre le gage et le nantissement. Désormais le nantissement, posé à l'article 2355 du Code civil, est l'affectation en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs Quant au gage, celui-ci est une garantie portant sur un bien meuble corporel. Mais tous deux ont pour conséquence que le constituant garde la propriété du bien qu'il donne en garantie au créancier même s'il s'en dépossède. En principe, les biens fongibles et consomptibles excluaient le nantissement. [...]
[...] En l'espèce, les demandeurs au pourvoit invoquaient à leur appui la violation de l'application des anciens articles 2075 et 2078 du Code civil qui d'une part, prescrivait la signification de l'acte de nantissement au débiteur de la créance nantie ou son acceptation dans un acte authentique, et d'autre part, prohibait le pacte compromissoire. Mais la Cour de cassation en a conclu qu'il n'y avait pas violation de ces articles. Le pacte compromissoire est une clause par laquelle un créancier disposant d'un gage ou d'un nantissement obtient de son débiteur qu'il deviendra propriétaire de la chose gagée ou nantie en cas de non-paiement. [...]
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