L'arrêt rendu le 31 mai 2005 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation est relatif au devoir de diligence du banquier tiré quant à l'encaissement de chèques faux. Plus précisément, il traite du régime de responsabilité applicable dans l'hypothèse où une banque paie le porteur de chèques sur lesquels sont apposées de fausses signatures.
En l'espèce, le clerc d'un avoué avait émis à son profit, pendant cinq ans, 245 chèques en imitant la signature de son employeur. Le banquier dépositaire avait payé ces chèques, sans que l'avoué, titulaire du compte, ne remarque quoi que ce soit. Ce n'est qu'après le décès de ce dernier que ses ayants droit s'aperçoivent du détournement et assignent la banque en responsabilité.
Dans un arrêt rendu le 2 octobre 2003, la Cour d'appel de Lyon les déboute au motif que le titulaire avait été gravement négligent, en ne surveillant ni ses carnets de chèques, ni les mouvements de son compte bancaire ni la comptabilité de son étude. Elle décide également que la banque n'a commis aucune faute, les signatures simplifiées figurant sur les titres litigieux étant très semblables à celles utilisées depuis plusieurs années par le titulaire. Les ayants droit se pourvoient alors en cassation.
Ainsi, il convient de s'interroger sur l'étendue du devoir de vigilance du banquier. En d'autres termes, à partir de quel moment le banquier ne respecte-t-il plus son obligation de diligence au point de commettre une faute susceptible d'engager sa responsabilité ?
[...] En l'espèce, le titulaire du compte signait, depuis quelques temps, ses chèques d'une signature différente de celle déposée auprès du banquier qui en admettait toutefois le paiement. Or les chèques indûment signés par l'employé du déposant imitaient cette nouvelle signature, ce qui avait amené la Cour d'appel de Lyon à considérer que la banque ne pouvait se voir reprocher aucune faute, dès lors que les signatures simplifiées figurant sur les titres litigieux étaient très semblables à celle utilisée depuis plusieurs années par l'avoué Mais cette appréciation est censurée par la Cour de cassation au motif qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, fussent-elles semblables aux signatures récentes de l'avoué, celles qui figuraient sur les titres litigieux n'étaient pas conformes au spécimen déposé par celui-ci et qu'il appartenait dès lors à l'établissement de crédit, en l'absence de nouveau dépôt, de refuser le paiement sollicité sauf instruction contraire de son client Le banquier a donc commis une double négligence. [...]
[...] Pour tenter d'y répondre, la Cour de cassation relève la négligence de la banque et marque son intention de sanctionner cette dernière par l'élargissement du domaine de son obligation de vigilance. Pour cela, elle commence d'abord par rappeler les hypothèses dans lesquelles la responsabilité du banquier peut être engagée suite au paiement de faux chèques avant d'insister sur l'importance de rechercher non seulement la faute du titulaire du compte, mais aussi celle de la banque (II). L'engagement de la responsabilité du banquier en cas de chèque faux Les ayants droit de l'avoué cherchent à obtenir réparation du préjudice subi par ce dernier. [...]
[...] En effet, la jurisprudence admet qu'elle manque à son obligation contractuelle de préserver les fonds du déposant et, dans un but certain de protection du déposant n'ayant commis aucune négligence, engage systématiquement la responsabilité du banquier en énonçant qu'il n'est pas libéré de son obligation de restitution des fonds. À l'inverse, en présence d'une faute du déposant ou de l'un de ses préposés, un basculement s'opère vers un régime de responsabilité pour faute : le banquier est libéré sauf s'il commet lui-même une faute. Il existe donc une dualité de régimes de responsabilité du banquier en fonction du fait qu'il y ait, ou non, faute du déposant. [...]
[...] Dès les premières lignes de l'arrêt, la Haute juridiction énonce tout d'abord qu' en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui- ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu'en revanche si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence, et ce, seulement pour la part de responsabilité en découlant Ces deux principes ne sont pas nouveaux. Le premier figure dans des arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation rendus les 2 juillet octobre 2000 et 10 octobre 2000. [...]
[...] La Chambre commerciale affaiblit donc encore un peu plus la situation du banquier. Ce dernier se voyait déjà appliquer un régime de responsabilité sans faute en l'absence de faute du déposant. Maintenant, même lorsque le déposant a lui-même commis une faute, le banquier aura de grosses difficultés à prouver qu'il n'a pas commis de faute en raison du renforcement de son obligation de vigilance. Dès lors, n'est-il pas finalement plus rentable pour lui de se résoudre à voir sa responsabilité engagée régulièrement plutôt que de mettre en place un système de surveillance dont le coût se révèlerait certainement supérieur à celui de la restitution des fonds au déposant. [...]
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