La Cour de cassation dans cet arrêt de Chambre commerciale, en date du 31 janvier 2006, affirme clairement la distinction entre date de création et date d'émission du chèque. Cette considération trouve une résonance toute particulière dans l'hypothèse dans laquelle l'émetteur se trouve faire l'objet d'une procédure collective comme ce fut le cas en l'espèce.
Ainsi, la SIDT avait tiré deux chèques, le 24 avril 2001, dont la société Etablissements Beauvois était bénéficiaire. Cette dernière avait alors remis les instruments de paiement à la Société Marseillaise de crédit, le 27 avril 2001, qui les avait immédiatement portés au crédit de son compte et présentés à l'encaissement. Le même jour, le tireur des chèques avait été mis en liquidation judiciaire, justifiant de leur retour impayé et entraînant la contre-passation, par la Banque, des sommes versées au compte du bénéficiaire.
La Société Etablissements Beauvois souhaitant obtenir restitution des sommes a donc actionné la Banque qui s'est vue condamnée au paiement par les juges de première instance. Cette décision mise en cause devant les juridictions d'appel a trouvé une solution toute autre, la juridiction infirmant le jugement et poussant la société bénéficiaire à se pourvoir en Cassation.
La question se pose donc de savoir si la date de création d'un chèque doit être considérée comme la date d'émission, imposant à celui qui la conteste d'apporter la preuve de son inexactitude, et marquant le transfert de la provision au bénéficiaire.
[...] Ainsi, en l'absence de preuve de la date d'émission, la date de création de l'effet serait un bon palliatif. Toutefois, on peut dès à présent douter de cette vision qui permettrait de donner valeur à des chèques antidatés volontairement. Peut-on admettre qu'une telle valeur soit donnée à une date aisément falsifiable par les parties ? On peut en douter. Quoi qu'il en soit, la présomption mise en avant par le bénéficiaire lui permet d'arguer d'un renversement de la charge de la preuve au titre de l'article 1315 du Code Civil. [...]
[...] Cette idée fondant le pourvoi de la société Etablissement Beauvois est complètement rejetée par la Haute-Cour qui affirme que date de création et date d'émission d'un chèque doivent être soigneusement distinguées. La juridiction approuve ainsi les juges du fond d'avoir jugé qu'aucune présomption n'est invocable en l'espèce. De cette affirmation nait une conséquence logique. La présomption renversant la charge de la preuve, son absence n'en fait rien et il incombe nécessairement à celui qui conteste la date de l'émission du chèque de l'établir. [...]
[...] Le refus de présomption de concomitance entre date de création et date d'émission du chèque La Cour de Cassation rejette, en l'espèce, l'argumentation du demandeur affirmant la concomitance de la date de création et de la date d'émission du chèque. Cette position qui lui serait favorable car permettant le paiement du chèque fut celle de nombreux auteurs affirmant que, jusqu'à preuve du contraire, cette concomitance devait être présumée. Ce fut notamment la position de M. Cabrillac commentant un arrêt de la cour de Cassation en date du 24 juin 1997. [...]
[...] La Cour de Cassation conclut tout autrement puisqu'elle affirme qu'en application de cet article, devenu L. 622-7 du Code de Commerce, la Banque, au courant de la procédure collective contre le tireur, devait contre- passer les sommes sans que le juge commissaire ait à intervenir. Au soutien de sa décision, la Haute-Cour fait la part belle à la pratique bancaire qui consiste à porter au crédit du compte du client la valeur des effets sans que ceux-ci soient pour autant encaissés. [...]
[...] Sur ce point, la Cour aurait dissocié la date de mise en circulation et de création, toutes deux parties de l'émission du chèque permettant le transfert de provision. Elle aurait à ce titre violé les articles 1315 du Code Civil et L131-31 du Code de Commerce. La demanderesse ajoute, dans un second moyen, que la contre-passation opérée par la Banque, après le retour des chèques impayés, serait illégale comme étant intervenue sans autorisation du juge commissaire et de nature à engager la responsabilité de celle-ci, contrairement à ce qu'affirme la décision d'appel. [...]
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