La Chambre commerciale de la Cour de cassation rend le même jour, le 11 décembre 2007, deux arrêts s'inscrivant dans la lignée jurisprudentielle, déjà bien établie, relative à la mise en œuvre du devoir de mise en garde du banquier au titre de l'octroi de crédit et complète quelque peu les derniers doutes subsistant sur le nouveau régime de responsabilité des établissements de crédit.
Une banque consent à des époux agriculteurs, plusieurs prêts pour le besoin de leurs professions dont le remboursement est différé en capital mais aussi en intérêts. La banque parvient à obtenir un titre judiciaire à l'encontre du couple et devient alors adjudicataire de leurs biens immobiliers, suite à de divers impayés.
Le couple assigne la banque, dispensateur des différents crédits, afin de rechercher sa responsabilité, ayant consenti ces prêts tout en sachant que leur capacité de remboursement était excédée.
La cour d'appel rejette la demande du couple en retenant qu'il ne revient pas à la banque de prouver qu'elle a exécuté son obligation de conseil mais aux emprunteurs de prouver le contraire en fournissant par exemple, des documents attestant que leurs capacités financières de l'époque ne leur permettaient pas de faire face à leurs obligations voire des pièces attestant des capacités financières de leur exploitation.
La banque, dispensateur de prêts professionnels, a-t-elle la charge de la preuve de l'exécution de son obligation de « conseil » dès lors que les capacités de remboursement de l'emprunteur seraient excédées ?
La Haute Juridiction censure la cour d'appel et estime que cette dernière a inversé la charge de la preuve en ne précisant pas si les emprunteurs étaient non avertis et, si, dans l'affirmative, conformément au devoir de mise en garde auquel la banque est tenue à leur égard lors de la conclusion des contrats, celle-ci justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard de leurs capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi des prêts.
Les juges suprêmes précisent le régime du devoir de mise en garde imposé aux établissements de crédit en contrôlant la notion même d'obligation de mise en garde (I) dont les conséquences relatives à son exécution semblent assez erratiques (II).
[...] Conformément au principe de bonne foi qui s'impose à l'emprunteur, la banque n'a pas à procéder à des investigations supplémentaires ou n'a pas à exiger la production de documents comptables autres que ceux déjà remis. Les juges rappellent, dans un arrêt assez important en la matière, que la banque ne pouvait normalement déceler la déloyauté de l'emprunteur, les éléments d'informations fournis par celui-ci étaient compatibles avec l'octroi de l'ouverture de crédit litigieuse La déloyauté est indubitablement constitutive d'une faute et apparaît comme la cause génératrice et exclusive de l'inexécution par l'établissement de crédit de son obligation de mise en garde Le devoir de loyauté et plus largement, l'exigence de bonne foi implique de ne pas mentir ou de ne pas s'abstenir de divulguer une information, mais qu'en est-il d'une information non demandée ? [...]
[...] La seule situation d'ensemble de l'emprunteur est prise en compte dont l'élément incontournable réside dans le revenu résiduel. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 26 septembre 2006 rappelle qu'« un prêt accordé et destiné à apurer l'endettement né de l'octroi de trois précédents crédits amène l'emprunteur à se trouver en situation d'endettement excessif Des différences de taille sont à noter : d'une part, les critères du non- remboursement ne se basent pas exclusivement sur des critères subjectifs. [...]
[...] Il est désormais clairement acquis que l'établissement de crédit doit exercer son devoir de mise en garde en alertant le client du risque de non-remboursement du crédit sollicité. C'est pourquoi, la banque doit mesurer si le crédit envisagé présente un risque particulier de non-remboursement du fait de son caractère excessif ou inadapté. La jurisprudence paraît utiliser une formulation nouvelle de la notion de crédit excessif, pourtant elle-même d'origine prétorienne. Les termes employés par les juges pour qualifier le crédit excessif sont très proches : il s'agit d'un crédit dépassant manifestement les capacités de remboursement de l'emprunteur, ou révélant une disproportion manifeste voire encore incompatible avec celles-ci. [...]
[...] Finalement, la jurisprudence nous précise aussi que l'emprunteur déloyal ne peut se prévaloir du bénéfice du devoir de mise en garde (Civ 1ère octobre 2007). Il est surtout reproché aux juges du fond de ne pas explicitement apporter les éléments qui, hormis la seule référence à la profession, justifiaient la qualité d'averti. L'arrêt du 8 janvier 2008 abonde en ce sens vu que les juges du fond, malgré la référence à l'ancienne profession de comptable de l'emprunteur, ont caractérisé les faits traduisant la conscience qu'il avait du risque et sa compétence pour le mesurer et ont ainsi mis en évidence le caractère averti de l'emprunteur Ce travail de qualification de l'emprunteur est primordial pour éviter que d'autres arrêts soient cassés, mais un second critère ne doit pas être oublié, celui du risque de non-remboursement. [...]
[...] Le régime de la preuve de l'exécution de l'obligation de mise en garde L'apport prééminent de l'arrêt d'espèce est de préciser le régime de la preuve de l'exécution de l'obligation de mise en garde. La Cour de cassation énonce bien explicitement qu'il en revient à l'établissement accordant le crédit de prouver qu'il a bien exercé son devoir de mise en garde. Tous les professionnels doivent désormais démontrer qu'ils ont bien accompli leur devoir d'information, de conseil et donc de mise en garde. [...]
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